A moyen terme, l’isolation thermique est inefficace…

On parle beaucoup d’isoler les bâtiments pour réduire la consommation d’énergie sans vraiment se pencher sur les usages. Et pourtant… C’est totalement contre-intuitif : isoler les combles et les murs creux des logements existants au Royaume-Uni ne réduit la consommation de gaz que la première ou la deuxième année. Toutes les économies d’énergie disparaissent la quatrième année après une rénovation, selon une étude de chercheurs en politique publique et environnement de l’université de Cambridge publiée en janvier 2023.

Un constat déprimant pour un enjeu majeur. Comme en France et en Grande-Bretagne, dans la plupart des pays européens, les gouvernements promeuvent la rénovation énergétique des logements privés. Le ministère britannique du budget a récemment annoncé un financement d’environ 6 milliards de livres sterling pour réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments et l’industrie au cours des huit prochaines années. Selon des estimations récentes citées dans l’étude, 12 millions de foyers britanniques devront être modernisés avec des améliorations techniques d’efficacité énergétique telles que l’isolation au cours des trente prochaines années.

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L’étude britannique a suivi en détail les données de consommation de gaz de 55 000 ménages en Angleterre et au Pays de Galles entre 2005 et 2017. Pendant au moins cinq ans avant et après l’installation de l’isolation. Les deux chercheurs ont constaté que l’isolation des murs creux entraînait une baisse moyenne de 7 % de la consommation de gaz la première année. Un effet intéressant donc. Hélas, le chiffre est tombé à 2,7 % la deuxième année. Au cours de la quatrième année, les économies d’énergie sont devenues négligeables. Encore moins efficace, l’isolation des combles avec une baisse de la consommation de gaz qui tombe à 1,8% au bout d’un an devient carrément insignifiante dès la deuxième année.

La passion des Anglais pour les vérandas en cause

Pourquoi ? Les résultats de l’étude suggèrent qu’il pourrait y avoir un « effet rebond » significatif. Les consommateurs changent très rapidement de comportement et les économies réalisées grâce à la rénovation sont rapidement annulées par une augmentation de la consommation d’énergie. En clair, les gens préfèrent dépenser autant qu’avant voire plus pour obtenir encore plus de confort. Surtout, la mise en place d’une isolation s’accompagne souvent d’extensions parallèles de maisons, d’ajouts de nouvelles pièces, d’une nouvelle salle de bain, de construction de vérandas qui consomment de l’énergie supplémentaire. Les vérandas à simple vitrage sont donc l’une des modifications les plus populaires d’une propriété en Grande-Bretagne. En 2011, pas moins de 20 % des ménages en Angleterre possédaient une véranda. Cependant, pour ces ménages en particulier, tout gain d’efficacité énergétique disparaît après la première année.

Les extensions tendent également à être associées à l’acquisition de nouveaux appareils qui peuvent contribuer à augmenter la consommation de gaz et d’électricité. Un constat similaire peut être fait en Australie : malgré une très forte augmentation de la proportion de ménages utilisant un éclairage économe en énergie entre 2005 et 2008, la demande globale en énergie d’éclairage a augmenté. Cela peut être l’effet d’une plus grande utilisation de lampes halogènes après des rénovations, d’une augmentation de la quantité d’éclairage utilisée et d’un changement dans la façon dont les occupants utilisent l’électricité.

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Autre explication : au bout de deux, trois ou quatre ans, les ménages anglais accordaient moins d’attention à limiter leur chauffage car ils estimaient avoir rentabilisé leur travail. Ils peuvent aussi… laisser leurs fenêtres ouvertes car il fait trop chaud depuis la rénovation de leur logement ! Enfin, l’étude souligne que certains professionnels de la construction ne travaillent pas avec la rigueur nécessaire. Sans oublier les matériaux isolants dont l’effet peut s’estomper avec le temps. L’Allemagne a observé le même phénomène déprimant : malgré les milliards investis dans la rénovation énergétique des bâtiments au cours de la dernière décennie, la consommation énergétique des logements allemands est restée stable. Autrement dit, inefficace. Pire : ces rénovations ont entraîné une hausse du prix du parc immobilier, mettant de côté les plus pauvres.

Les plus pauvres se mettent à davantage consommer

Pour les ménages des quartiers défavorisés notamment, la mise en œuvre de ces rénovations n’apporte aucune économie d’énergie. Tout simplement parce qu’ils limitaient déjà beaucoup leur consommation avant pour des raisons financières. Une fois la rénovation effectuée, les 20% les plus pauvres auront même tendance à consommer plus pour profiter d’un logement plus chaleureux et plus agréable. Ces travaux permettent certes de réduire la précarité énergétique des ménages en difficulté, mais force est de constater que cela n’aidera en rien les objectifs de réduction d’énergie du Royaume-Uni, observent les chercheurs qui rappellent que les politiques d’aides aux rénovations sont orientées envers les plus vulnérables.

Bien sûr, dans les circonstances actuelles d’inflation, il est possible que les économies d’énergie liées à l’isolation soient plus importantes. La flambée du prix du gaz peut inciter les occupants des logements à consommer moins que pendant la période d’étude car ils sont plus attentifs à la nécessité de réduire les coûts. Mais à long terme, le simple fait que les pouvoirs publics financent toujours les mêmes travaux pour atteindre les objectifs de réduction de carbone et de sécurité énergétique du Royaume-Uni risque de ne pas trop faire bouger les lignes, affirment les chercheurs.

Pour ces derniers, qui n’apportent pas de solutions clés en main, si la Grande-Bretagne maintient ses objectifs de réduction de la consommation énergétique, l’isolation des logements devrait s’accompagner de conseils d’économies d’énergie et les programmes d’installation de pompes à chaleur dans les logements devraient être moins timorés.