Guillaume Leplé, qui souffrait de ce handicap, a monté un atelier d’improvisation théâtrale à Caen (Calvados) pour libérer la parole des personnes qui bégaient.
Théâtre pour les personnes ayant des difficultés d’élocution? L’idée peut sembler paradoxale, mais le contraire est évident, selon Guillaume Leplé. Délégation du département de l’association Bégaiement du Calvados, l’expert-comptable de 39 ans a mis en place à Caen, à partir de ce samedi 28 janvier 2023, un atelier d’improvisation, animé par une entreprise macédonienne.
Le bégaiement est principalement un problème de confiance en soi. L’improvisation théâtrale est un outil idéal pour apprendre à lâcher prise en toute situation, se réapproprier son corps et exprimer qui l’on est quand on ne peut pas dire ce que l’on veut.
« C’est un cercle vicieux »
Une façon pour les bègues de retrouver le plaisir de parler où, en temps normal, chaque mot est un obstacle, chaque phrase est une course d’obstacles.
Pour nous, parler est stressant. L’improvisation est un moyen de retrouver une communication spontanée.
Au quotidien, le bégaiement est un handicap parfois insurmontable pour les personnes qui en souffrent. Acheter du pain est comme une aventure, téléphoner est une épreuve.
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En pourcentage, c’est une partie de la population française qui souffre de bégaiement, selon les estimations généralement admises. Cela représente environ 680 000 personnes.
S’exprimer en public : un saut en parachute, sans parachute
Parler en public, dans une réunion de travail par exemple, c’est comme sauter en parachute, sans parachute, pour le bégaiement.
« Quand tu es seul devant ton miroir, tu ne bégaies pas, révèle celui qui a réussi à apprivoiser son bégaiement en s’obligeant à des séances de sophrologie. C’est un cercle vicieux qu’il faut briser car plus on y pense , plus il est difficile de respirer et plus il est difficile de parler. »
Les mots restaient coincés entre le cerveau et les lèvres, déterminés à sortir. « Pour un bègue, une phrase est comme un petit train, chaque voiture est une lettre, représentant un messager d’association. Le problème est que vous imaginez chaque lettre avant de la dire. »
« Mon bégaiement m’a sauvé la vie »
Ce dysfonctionnement est plus difficile à vivre et devient souvent un objet émotionnel dans l’enfance, voire, dans les cas les plus extrêmes, du harcèlement scolaire. Guillaume Leplé en a fait les frais à l’adolescence.
Peut faire rire les autres. Mais quand on le voit pire, on se fait de plus en plus petit.
Dire ce crachotement est rarement ressenti de manière positive, car il est lié au traumatisme enfoui. « Il y avait beaucoup de disputes dans ma famille, de grandes difficultés de communication, a révélé Guillaume Leplé. Au final, mon bégaiement m’a sauvé la vie : en m’obligeant à me focaliser sur la parole pour en retracer l’origine, il m’a permis de lever certaines clés et de me libérer de me traumatise ».
Les gens timides sont les bienvenus
Adulte, le Caennais a décidé d’envisager le handicap et fidèle à ses émotions. Principalement en adhérant à l’association Word bégaiement, puis en devenant délégué départemental (voir encadré). « Pour mieux vivre avec, il est important de dédramatiser le drame », insiste l’homme à la vitesse de parole désormais bien maîtrisée.
Quand j’étais plus jeune, j’aurais aimé que quelqu’un me tape sur l’épaule pour me dire que je n’étais pas seul.
Un groupe d’entraide
L’Association du Bégaiement, créée en 1992, compte 840 membres au niveau national. L’antenne de Caen dirigée par Guillaume Leplé rassemblait une dizaine de personnes. « De nos jours, c’est facile de trouver des informations sur internet, et de parler aux gens sur les réseaux sociaux, mais c’est mieux de se rencontrer dans la vraie vie, sourit les délégués. Nous sommes un groupe de soutien. un projet, comme cet atelier d’improvisation, financé grâce au mécène, la société Batibois ».
Le bégaiement met les personnes atteintes de ce handicap en contact avec des professionnels de la parole. Elle propose du matériel de formation pour les orthophonistes, mais aussi pour l’Éducation nationale. « La lecture orale est une grande difficulté pour les bègues », explique Guillaume Leplé. Des séminaires réguliers sont organisés pour sensibiliser à cette question.
L’atelier d’improvisation théâtrale sera une nouvelle occasion de partager des émotions, en groupe. Certaines places sont disponibles pour les personnes qui ne bégaient pas mais qui ont du mal à s’exprimer en public.
Samedi 28 janvier, de 10h à 12h, dans l’ancienne Maison des associations de Caen (rue Neuve Bourg l’Abbé). Infos : [protégé par e-mail] ; site internet : begaiement.org