Aux Arcs-sur-Argens, après avoir parcouru quelques centaines de mètres sur le chemin Maïme, puis le chemin Saint-Julien, il faut passer sous l’autoroute pour accéder à Sauteirane. Un lieu constitué jusqu’alors uniquement de terres agricoles situées entre une colline et l’A8, qui a été entièrement déviée.
Pire encore, tout un quartier a vu le jour. Des dizaines de petites parcelles se succèdent sur le chemin en question. Toutes sortes de constructions sont érigées sur ces différentes parcelles : maisons en pierre ou en bois, mobil-homes, caravanes, camping-cars…
« C’est une situation qui dure depuis 2013 où j’ai vendu le terrain, raconte l’ancien propriétaire des lieux, qui souhaite rester anonyme. Lorsque j’ai vendu, l’acquéreur avait prévu de construire un centre équestre sur les 7,5 hectares. au final, je me retrouve avec celle à l’arrière de ma maison », se plaint cet agriculteur à la retraite, qui vit toujours dans la maison qui surplombe la campagne. Une propriété qui « a perdu de sa valeur ».
Des habitations érigées sans permis de construire
« Nous sommes face à une véritable zone de non-droit, regrette Nathalie Gonzales, maire des Arcs-sur-Argens. Ce propriétaire n’avait pas l’intention d’implanter un centre équestre. Il a profité des dernières échéances de la loi autorisant le partage des terres agricoles pour créer une vraie entreprise ».
Et pour cause, le propriétaire a divisé les 7,5 acres en… 120 lots. « Il les a ensuite mis en bail en cours, sous forme de bail emphytéotique d’une durée de 30 ans ou plus, poursuit l’édile. Des loyers signés de plusieurs dizaines de milliers d’euros à des particuliers qui sont alors libres d’utiliser le terrain comme ils l’entendent, sans respect du plan local d’urbanisme qui interdit tout type de construction sur de tels terrains. »
Au début, les camions se succédaient pour livrer les mobil-homes. Et ce malgré l’interdiction des véhicules de plus de 7 tonnes sur les chemins d’accès à la Sauteirane.
Alertée, la mairie a pris des mesures pour endiguer le problème. « Nous avons installé des blocs de béton sous l’autoroute pour empêcher le passage des poids lourds, indique Nathalie Gonzales. Et nous avons porté l’affaire devant la justice conjointement avec la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var ».
Sur place, l’endroit est encore un havre de paix, selon les riverains et l’ancien propriétaire : « La cohabitation se passe bien. Il y a de tout, des artisans, des infirmières, un couple de pharmaciens à la retraite, ou encore un pasteur et des voyageurs. bien ensemble, mais ce quartier est complètement illégal. »
Pas de réseau d’eau ni d’électricité
En se promenant dans les ruelles de ce quartier, il est possible de découvrir comment vivent ses habitants. En effet, son caractère sauvage empêche les riverains d’être raccordés à l’électricité ou à l’eau. « Il n’y a pas le choix, il faut installer des panneaux solaires pour avoir l’électricité, prévoir un chauffage au bois et un système de récupération d’eau de pluie pour avoir de l’eau », indique l’un des locataires qui vient d’emménager à Sauteirane en septembre 2022.
« J’ai vu le terrain sur un site de petites annonces. Après réflexion, je me suis dit pourquoi pas. J’ai vendu mon appartement à Saint-Aygulf et signé mon bail à 37 000 euros, me donnant droit à 500m² », explique alors le retraité dans travaux complets sur place. Pour le moment, je vis dans ma roulotte en attendant de construire ma maison. Je voulais vraiment avoir le calme, la nature pour y passer ma vieillesse. »
Un business juteux?
Une affaire rentable pour le propriétaire des lieux. A un loyer moyen de 25 000 euros, multiplié par 120 lots, le propriétaire peut prétendre à un jackpot de 3 millions d’euros. Sur place, au moins 84 lots semblent déjà loués. C’est un bon chiffre d’affaires estimé à 2,1 millions d’euros. Une affaire lucrative. D’autant que, selon le jugement de première instance, l’homme a acheté le terrain de 7,5 hectares pour la somme de 160 000 euros.
Une situation qui crée de nombreux problèmes. « Ces locataires ont créé des fosses septiques non réglementées. A la longue, cela peut polluer les nappes phréatiques, s’inquiète Nathalie Gonzales, maire des Arcs-sur-Argens. Se pose ensuite la question du risque d’inondation de ce terrain qui se trouve dans une cuvette, enclavée entre la voie surélevée A8 et une colline.Qu’en est-il du risque incendie, avec des voies d’accès non réglementaires pour le passage et les demi-tours des camions de pompiers ?
Autant de raisons qui ont permis à la justice de trancher en faveur de la municipalité lorsqu’elle a porté l’affaire devant les tribunaux.
Nous avons essayé de contacter le propriétaire du terrain, mais aucune réponse n’a été donnée à nos demandes.
Neuf ans de bataille judiciaire acharnée
Face aux agissements du propriétaire, la mairie des Arcs-sur-Argens a fait valoir ses droits en justice, conjointement avec la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) du Var. L’affaire a été jugée le 11 octobre 2017 par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Draguignan.

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Le propriétaire a été poursuivi pour « violation des dispositions du plan local d’urbanisme ou du schéma directeur, poursuite des travaux malgré une décision de justice ou une ordonnance ordonnant l’interruption, irrégularités dans l’exécution du creusement ou du soulèvement du sol, construction irrégulière de une clôture soumise à déclaration préalable ». Evénements commis depuis le 2 septembre 2014.

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Le chiffre
Remise en état des terres ordonnée

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Absent à l’audience, le propriétaire a été condamné à une amende de 50.000 euros, avec obligation de restituer le terrain dans les trois mois, sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard. Non satisfait de cette décision, le défendeur a donc interjeté appel.

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Le 24 septembre 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le premier jugement. Il a cependant ajouté l’obligation de remettre en état les tranchées réalisées par le propriétaire, ainsi que l’enlèvement des trois abris équipés de gaines de câbles électriques sous un an, sous peine d’une astreinte de 75 euros par jour de retard. Maintien de l’amende de 50 000 euros. L’homme devra également verser à la Municipalité 1 000 euros à titre de frais de justice.

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« Décidemment têtu, il a alors fait appel en cassation. Pourtant, sa demande a été rejetée le 16 avril 2019 », rapporte Nathalie Gonzales. Cinq ans après l’enregistrement des premières violations, l’affaire n’est toujours pas close. « Aujourd’hui, en 2022, rien ne change. Il continue à faire ce qu’il veut. Malgré tous les loyers qu’il a perçus, il serait insolvable, rigole le maire. Des poursuites en récidive sont en cours contre le bailleur et les locataires. »
25 000 euros. C’est le prix moyen que les locataires doivent payer pour utiliser le terrain. Ce dernier leur est cédé en bail pour une durée de 30 ans ou plus. Une excellente affaire pour le propriétaire des lieux, qui a divisé les six hectares de parcelles en 120 parcelles individuelles de 500m².
« On ne peut pas éluder le droit de propriété »
Statu quo?
« C’est un dossier que nous suivons depuis de nombreuses années », confirme Laurent Vinciguerra, directeur général de la Société d’aménagement du territoire et de l’habitat rural (plus sûr) Paca. « Au départ, l’acquéreur du terrain planifiait un projet d’élevage de chevaux. Chose qu’il ne pouvait pas nous prévenir de ses véritables intentions sur ce terrain de 7,5 hectares. » Car le rôle de Safer est multiple. Son rôle est de surveiller les terres agricoles et de valider les transactions.

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