Changement climatique : quand le sage pointe du doigt les bourgeois, tout le monde regarde du doigt – FRUSTRATION

Nous sommes fin octobre 2022. J’habite dans le sud de la France et ce matin, à 8 heures, il fait déjà 28 degrés.

Il y a deux jours, au téléphone avec mon frère, nous parlions de la météo, bien sûr. Je lui ai dit que la sécheresse de 2023 par ici se préparait déjà, et j’ai ironisé sur la situation en disant « heureusement, le gouvernement a interdit les agitateurs en plastique, nous sommes en sécurité ! Les mouvements sont vraiment à la hauteur du défi ! »

Et puis, mon frère m’a répondu : « Oui, mais en même temps, les gens ne respectent rien et ne font pas ce qu’il faut : j’ai vu beaucoup de voisins remplir leurs piscines et arroser leurs jardins. Parmi les restrictions d’eau ».

Aïe, je ne l’ai pas vu venir celui-là… Loin de moi l’idée d’être d’accord avec son voisin qui arrose ses hortensias, mais j’ai l’impression qu’on se trompe sur le coupable. La réaction de mon frère, à mon avis, est un symptôme d’un des grands maux de notre société en ce moment : nous sommes devenus convaincus de la responsabilité individuelle de chacun, pour éviter de voir ce que nos dirigeants ne font pas.

On nous a répété maintes et maintes fois que nous étions tous des petites hanches, que notre pouvoir d’action était grand, bien que nos gestes soient insignifiants par rapport à ce que la classe bourgeoise pourrait faire si elle daignait s’initier au-delà d’un mandat électoral.

Les colibris gaspilleurs VS. l’agriculture intensive

Nous nous sommes habitués à penser que Jacques, qui arrose ses géraniums, est responsable de la sécheresse qui règne. Cela seul, qu’il changera le cours des choses, et s’il ne respecte pas les décrets en vigueur, qu’il est un mauvais citoyen. Alors que les stades de football et les terrains de golf sont irrigués en été, notre modèle agricole complètement obsolète consomme de grandes quantités d’eau.

Presque autant d’eau serait consommée pour nourrir les porcs, volailles et autres animaux d’élevage que pour répondre aux besoins de chaque famille française.

En France, en 2021, 45% de l’eau utilisée va à l’agriculture, et seulement 21% est utilisée pour l’eau potable (au niveau domestique et collectif). Et parmi les eaux dédiées à l’agriculture, une grande partie est utilisée pour l’irrigation du maïs, consommé par le bétail. Ainsi, selon les années, presque la même quantité d’eau serait consommée pour nourrir les porcs, volailles et autres animaux d’élevage et subvenir aux besoins de chaque famille française.

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Les colibris de l’abondance VS. les grandes enseignes

On nous demande de porter des cols roulés, comme si nous étions au SMIC, nos hivers étaient comme de parfaites soirées hawaïennes, débardeur et margarita à la main. Polaire en hiver, nous n’avons pas attendu que nos dirigeants nous encouragent à l’idée de la porter.

En revanche, l’interdiction d’éclairer les publicités et enseignes commerciales pendant la nuit a été votée, mais uniquement « en cas de menace pour la sécurité de l’approvisionnement en électricité ». De plus, cette interdiction comporte de nombreuses dérogations, la rendant applicable au bon vouloir des collectivités des agglomérations de plus de 800 000 habitants.

Les colibris fraudeurs VS. les bourgeois et les patrons

On nous montre des fraudeurs qui perçoivent le RSA sans y avoir droit, mais on nous parle beaucoup moins du non-usage des droits sociaux, et de toutes les fraudes fiscales commises par les bourgeois cupides.

Trop souvent nos dirigeants bourgeois blâment les classes laborieuses. Ils prouvent qu’ils croient avoir un grand pouvoir d’action, là où des mesures contraignantes seraient nécessaires contre les plus grandes pollutions, visant une meilleure justice sociale et climatique. Mais malheureusement, les restrictions ne s’appliquent guère aux principaux responsables : le grand patronat, l’industrie, bref la bourgeoisie capitaliste, parvient toujours à mener à bien ses activités et continue à s’enrichir sur le dos des classes laborieuses et de nos écosystèmes.

Trop souvent nos dirigeants bourgeois (…) blâment les classes laborieuses, là où il faudrait des mesures contraignantes vers la plus grande pollution, visant la justice sociale et un meilleur climat.

Un dernier triste exemple en guise de conclusion : les résultats trimestriels de TotalEnergies ont chuté hier. Au troisième trimestre 2022, les bénéfices de l’entreprise ont augmenté de 43% par rapport au troisième trimestre 2021, résultant en un résultat net de 6,5 milliards d’euros.

Là encore, lorsqu’un patron gagne 5,9 millions d’euros de revenus annuels, tirant ses revenus d’une des industries les plus corrompues (et prospères) au monde, on s’intéresse aux opérateurs qui gagnent « en moyenne 5 000 euros par mois ». Et grâce à nos médias qui appartiennent à cette même classe bourgeoise, tout le monde regarde du doigt. Ou l’opérateur. Soit les 5 000 euros. Ah, je ne sais plus.