Un entrepreneur général de la région de Saint-Sulpice se démarque de tous les autres au Québec : c’est une coopérative! Ainsi la Coop Maître d’Oeuvre réalise ses projets de construction ou de rénovation en mode économie solidaire.
Au début des années 2000, Mathieu Riendeau lance la Coopérative les ViVaces, spécialisée dans les arts et l’éducation; une façon pour elle de relever les défis liés au développement durable. Il a ensuite déménagé dans une coopérative et est devenu formateur pour d’autres coopératives d’habitation.
« J’ai vite réalisé qu’il y avait un énorme besoin d’expertise et de ressources en rénovation au sein des coopératives », dit-il. Il a donc obtenu sa licence d’entrepreneur général après la mise en place de la Coopérative Maître d’Oeuvre, car il est plus facile de transformer une coopérative en entrepreneur général que de faire le contraire, souligne-t-il.
« En rénovation, le plus grand défi est de gérer les imprévus : les clients ont besoin de savoir où ils vont, mais dès qu’on ouvre les murs, les surprises surgissent », ajoute M. Riendeau. C’est donc un exercice très rapide pour l’entrepreneur : il doit être capable de réviser le cadre initial sans perdre le lien de confiance avec son client. Et s’il existe une asymétrie de compétence entre client et entrepreneur, cela devient particulièrement compliqué. L’entrepreneur doit alors conseiller et même former le client aux réalités du code du bâtiment, des techniques de construction, des matériaux… »
Ainsi, un Maître d’Oeuvre offre tous les services qu’offre habituellement un entrepreneur général. La coopérative a été créée en 2019 et compte une vingtaine de membres. Il joue un rôle de chef de file, avec des membres tels que des charpentiers, des charpentiers, des peintres ou des plâtriers, et des collaborateurs extérieurs, des maçons ou des couvreurs.
Éventuellement, plusieurs membres de la coopérative envisagent d’obtenir leurs licences de spécialité, notamment en plomberie et en électricité, afin de mieux intégrer et gérer les opérations. L’équipe est déjà composée de personnes multitâches et créatives.
Depuis son lancement, la coopérative a doublé son chiffre d’affaires annuel chaque année. Il est maintenant de 2,5 millions de dollars. Et la demande est là, notamment au sein des OBNL, un secteur qui a été taclé pendant la pandémie, car la COVID a poussé la Société d’habitation du Québec à suspendre temporairement le financement des contrats de rénovation de logements sociaux.
Le chargé de projet s’occupe principalement des coopératives d’habitation et des OBNL. Mais, depuis peu, elle dessert aussi les petits propriétaires, qui habitent leur maison unifamiliale ou leur petit multiplex.
« Nous attirons des gens qui veulent faire les choses différemment », a déclaré M. Riendeau. Nous ne sommes pas dans le marché du luxe, comme à Westmount. Nous voulons maintenir l’abordabilité du logement. Nous voulons faire une différence dans la communauté. »
Ce dernier ajoute que les entrepreneurs veulent souvent en faire de plus en plus. Mais pour Maître d’Oeuvre, l’important est que les gens ordinaires soient dans de bons logements abordables et qu’ils participent à la prise de décision, tout en améliorant l’empreinte environnementale des travaux.
Car une autre préoccupation de la coopérative est l’optimisation des chantiers d’un point de vue écologique. Sans frais de ventilation, il est possible de lutter contre le gaspillage et de revaloriser certains matériaux. Parce que l’industrie de la construction est connue pour se focaliser très peu sur le respect de l’environnement.
« Il passe souvent par de petits gestes qui ont de grandes conséquences », poursuit-il. Par exemple, si dans une cuisine, les armoires en chêne massif sont en bon état, nous suggérons de conserver la structure, tout en installant de nouvelles portes, charnières et poignées. Au final, nous avons réduit les déchets… et les coûts pour le client. »
Les membres de la Coop Maître d’Oeuvre souhaitent étendre leur concept dans toutes les régions du Québec et même ailleurs au pays.
L’idée est de créer, d’ici dix ans, une douzaine de cellules dans autant de régions du Québec, sous la tutelle d’une fédération. Le plan progresse avec des partenaires de l’économie sociale.
« L’objectif est d’augmenter le nombre de chantiers sécuritaires et inclusifs, menés par des coopératives, poursuit M. Riendeau. Personne ne nous dirige dans ce domaine. Avec des leaders locaux qui y croient, des services collaboratifs pourraient être proposés partout. »
Le secteur de la construction n’est pas très diversifié. Il a du mal à attirer des immigrants et des femmes. Ainsi la coopérative a mis en place un programme de formation pour les entrepreneurs qui entendent changer la culture de leurs chantiers pour les rendre plus inclusifs, ainsi que pour les clients, pour favoriser « l’empowerment » face à la réalité des travaux de rénovation, notamment pour que davantage de citoyens puissent s’approprier l’immobilier.
La coopérative a également lancé un projet pilote appelé Boots & Tournevis, en collaboration avec la Maison d’Haïti. L’objectif est de permettre aux femmes immigrées d’obtenir une formation professionnelle leur permettant d’entrer dans l’industrie de la construction. Le projet en est encore à ses débuts.
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