Alors que la mairie de Paris et le PSG sont tourmentés par la vente du Parc des Princes, les deux parties ne s’entendent pas sur la valeur du stade parisien. Combien vaut le parc ? Comment estimer un si bon ? Est-il possible de l’estimer ? Éléments de réponse.
Ce n’est pas le type de bien que l’on trouve sur le Bon Coin, ni même dans les vitrines des agences immobilières du coin. Ces derniers mois, l’enjeu de la vente du Parc des Princes s’est amplifié. En pleine Coupe du monde, Nasser al-Khelaïfi et la mairie de Paris ont envoyé des pics à travers les médias, alors que, selon L’Équipe, le PSG aurait proposé 40 millions pour acquérir l’antre de la Porte de Saint-Cloud. « Pensez-vous vraiment que le Parc vaut moins que ce que Leandro Paredes a acheté 50 millions d’euros ? », a alors rétorqué dans Le Parisien Emmanuel Grégoire, premier assistant d’Anne Hidalgo, qui ne semblait pas réfractaire à l’idée de vendre. Mais le 14 janvier, l’édile fermait fermement la porte au PSG : « Très clairement, le Parc des Princes n’est pas à vendre. Et il ne sera pas vendu. »
Un terrain à près de 500 millions
Bluff pour faire monter les enchères ou véritable conviction pour maintenir le stade dans le patrimoine parisien ? En tout cas, le montant de la première offre déposée par le club a quelque peu déplu à la mairie. Alors combien vaut le Parc des Princes ? Déjà, on pourrait être intéressé par le prix du terrain. Situé dans le 16e arrondissement, un quartier chic de la capitale, le prix au mètre carré est assez élevé. « Il vaut entre 10 000 et 11 000 € », selon Anisse Si-Fodil, gérant d’Abagestim, l’agence immobilière la plus proche du Parc. Et pourtant, ce taux est l’un des plus bas de l’arrondissement : « Précisément parce que le Parc des Princes est une nuisance. Si on s’éloigne un peu, côté Roland-Garros, c’est encore plus cher. En regardant les domaines, qui est un registre public qui contient des informations sur la propriété foncière, on constate que la surface de l’enclos est, très précisément, de 47 189 m2, soit 4,72 hectares. A 10 000 euros le mètre carré, on obtient donc une valeur de 471 890 000 euros pour le terrain. Rien qu’avec ça, on est loin des 40 millions offerts par le club.
« C’est comme s’il y avait demain un orchestre privé qui est financé par Bolloré, c’est le meilleur orchestre du monde, il veut être à plein temps à la Philharmonie, et l’Etat vend la Philharmonie. Nous n’aurions jamais imaginé cela. Nicolas Bonet-Oulaldj
Le PSG pointe les investissements qu’il a consentis dans la rénovation du stade, à hauteur de 85 millions d’euros, pour alléger la facture. D’autant que le club a promis de lâcher 500 millions de plus pour son agrandissement à 60 000 places (47 929 à l’heure actuelle). Un investissement colossal que le club considère désormais comme une condition à l’acquisition du Parc. « C’est quelque chose qui est consigné dans la dernière convention signée entre la ville et le Parc des Princes. Ce sont eux qui reviennent sur leur parole », a déclaré Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe des élus communistes au Conseil de Paris qui s’opposent à la vente. « Le Qatar arrive, achète, efface la mémoire de la France. veulent être chauvins ou nationalistes, mais ce n’est pas possible. On ne peut pas tout acheter et ils doivent comprendre », a-t-il déclaré.
« C’est comme s’il y avait demain un orchestre privé qui est financé par Bolloré, c’est le meilleur orchestre du monde, il veut être à plein temps à la Philharmonie, et l’Etat vend la Philharmonie. Nous n’aurions jamais imaginé cela. Pareil pour le Louvre », montre l’édile. Mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas vendeur qu’on ne peut pas estimer un bien. Selon Anisse Si-Fodil, le juste prix doit être supérieur à 500 millions. Idem avec Nicolas Bonnet-Oulaldj : « Pour être honnête, je ne suis pas expert en évaluation immobilière, mais je pense qu’on est entre 600 millions et un milliard. » L’agent immobilier, ancien joueur de National avec l’ES Saint-Gratien, et l’élu Communiste s’accorde cependant sur le fait qu’il est très compliqué de donner une estimation, voire impossible. «Autrement dit, c’est quelque chose qui est tellement profondément ancré dans l’histoire de Paris qu’une estimation des coûts de manière assez compliquée. 1 milliard ? Est-ce que ça vaut 400 millions ? Est-ce que ça vaut 40 millions ? Aujourd’hui, personne ne peut estimer, à part la mémoire historique et tous les événements qui s’y passent. »
« Ce que nous avons commencé à faire, c’est essayer de voir tous les transferts qui ont été effectués pour les clubs de football en Europe. » Alain Caumeil
Trois méthodes possibles
Personne, vraiment ? Cependant, il existe une Direction Nationale des Interventions de l’Etat (DNID). « C’est une mission de contrôle des valeurs. Quand une collectivité publique vend, on va faire en sorte qu’elle ne vende pas moins cher que sa valeur », résume Alain Caumeil, directeur de la DNID. Malheureusement, pour qu’il puisse présenter une estimation, il faut préciser qu’il Ce n’est pas encore vrai pour le Parc des Princes.Cependant, son directeur assure qu’ils ont déjà commencé à se renseigner et sont prêts, même si cette situation est « un peu floue ».A défaut de pouvoir donner un devis, Alain Caumeil confirme qu’il est possible d’évaluer ce bien, aussi particulier soit-il. Et ce, selon trois méthodes : « La méthode des flux de trésorerie, où l’on étudie les comptes du détenteur du stade. C’est celui qu’on aimerait appliquer et qu’on ne peut pas utiliser pour les stades, du moins en France », car les clubs ont des comptes déficitaires. La deuxième méthode est de comparer, par rapport à d’autres transferts. Sauf qu’en France, on est jamais arrivé. « Donc, ce que nous avons commencé à faire, c’est d’essayer de voir tous les transferts qui ont été effectués vers des clubs de football en Europe. Évidemment, nous avons quelques dizaines d’opérations, avec des stades de nature très différente, de tailles différentes, avec des clubs prestigieux, des clubs qui sont un peu moins prestigieux. Enfin, « la troisième méthode, et qui nous semble la plus intéressante, consiste à réfléchir au coût de la reconstruction d’un stade de toutes pièces. Et donc appliquer des abattements sur sa valeur pour toutes les dépenses qui seraient utiles pour le remettre en première classe ». Estimer la valeur du Parc est donc possible, mais pour cela, des négociations entre le club et la salle doivent relancer la commune. Au pire, avons-nous un colocataire ?

 ;