Forte volatilité des prix des denrées alimentaires et des intrants et hausse des coûts de production : Selon une étude du ministère de l’Agriculture, les revenus agricoles seront de plus en plus incertains d’ici 2030 en raison de la forte hétérogénéité entre les différents modèles de production.
Pour informer le ministère de l’Agriculture de l’évolution des revenus agricoles en France d’ici 2030, à partir de l’étude de ce qui s’est passé ces 30 dernières années, cette dangereuse mission a contribué au CGAAER, dont le rapport d’avril dernier vient d’être publié sur le site du ministère de l’agriculture.
En début de rapport, l’inspecteur général de l’agriculture Elisabeth Mercier et l’inspecteur général de l’agriculture Dominique Tremblay ont expliqué qu’ils se sont appuyés sur des documents existants (Comptes de l’Agriculture de la Nation, Rica, Insee, Inrae…) . Les travaux ont été complétés par des auditions d’experts.
Un certain malaise ressenti par les auteurs de l’étude
Et d’emblée, ils précisent dans le rapport que ces auditions « ont soulevé un certain malaise sur la question du revenu agricole, compte tenu de sa complexité, d’autant plus qu’elle est renforcée par le développement des structures juridiques qui exercent les activités agricoles et connexes. « .
Si nous reconnaissons que le sujet est complexe et que les conclusions du rapport ne sont pas précises, la synthèse du CGAAER sur les trente dernières années est très intéressante.
Un tissu agricole en forte évolution
Les auteurs du rapport résument ainsi la « transformation socio-économique et juridique » de la structure agricole depuis 1990 :
Une intensité capitalistique croissante
Les auteurs du rapport constatent également une augmentation de l’intensité capitalistique : le capital agricole moyen a augmenté de 59 % et l’intensité capitalistique de 21 % entre 1990 et 2020. Autrement dit : pour produire un patrimoine de 10 000 euros, la ferme mobilise en moyenne 55 860 euros de capital en 2020. Le rapport note également la spécialisation croissante des exploitations et des territoires, et un déclin significatif des systèmes d’élevage et de polyculture.
Les gains de productivité ont essentiellement bénéficié à l’aval
S’appuyant sur des analyses menées par l’Inrae dans le cadre du projet Agr’Income, le rapport note également que « les gains de productivité des agriculteurs entre 1988 et 2016 ont surtout aidé en aval car les prix réels des produits agricoles ont baissé ». p
D’une manière générale, au cours de la période 2010-2017, la part de la valeur ajoutée de l’agriculture dans la consommation alimentaire a diminué d’environ 10 %, bien que la valeur de la consommation alimentaire ait augmenté de plus de 15 % au cours de la même période. « Ainsi, cette augmentation de la consommation alimentaire ne profite pas à la production agricole », écrivent-ils.
Un résultat net par actif agricole non salarié en hausse
Qu’en est-il du revenu agricole? « En France, le revenu net du secteur agricole a baissé de près de 40 % en euros constants en 30 ans. Dans le même temps, le nombre d’exploitations a diminué de 60 % avec des changements importants dans les structures juridiques. In fine, les évolutions démographiques ont permis d’augmenter le résultat net par actif agricole FIE (UTANS), mais de fortes fluctuations ont été observées ces dix dernières années », soulignent les auteurs du rapport. Selon le Réseau d’information comptable agricole (RICA), sur 30 ans en euros constants, l’excédent brut d’exploitation (EBITDA) par UTANS a augmenté de 35 %, alors que le revenu disponible par UTANS est structurellement stable.
Des chiffres qui masquent la très grande hétérogénéité des revenus agricoles selon les catégories d’entreprises agricoles, notamment en termes d’orientation technico-économique, de taille et de circuits de distribution. Cette hétérogénéité s’observe également entre les exploitations d’une même catégorie.
La croissance de l’EBITDA est également à relativiser lorsqu’on compare la France avec ses voisins européens. Ainsi, la France, premier pays producteur agricole de l’Union européenne, n’est qu’à la sixième place en termes d’EBITDA par EPE ramené à l’emploi à temps plein, derrière le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne, note le rapport.
L’incertitude de la formation du revenu agricole à l’horizon 2030
Ces constats posés, que faut-il attendre de l’agriculture française d’ici 2030 dans un contexte marqué notamment par la mise en place de la nouvelle Pac, de la loi Egalim 2 (voire 3 !) et des stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ?
« Outre les niveaux de soutien public, les revenus agricoles dépendent des marchés des produits et intrants agricoles et de la productivité des facteurs de production dans un contexte de menaces climatiques et sanitaires croissantes », écrivent les auteurs du rapport. Selon eux, dans les dix prochaines années, on peut s’attendre à :
Une nouvelle baisse du nombre d’exploitations agricoles à attendre
Sur les 10 prochaines années, la mission CGAAER estime que le nombre d’exploitations pourrait diminuer entre -1,3% par an et -0,5% par an et ainsi atteindre une valeur de 342 000 à 371 000 exploitations.
Les auteurs soulignent également d’autres tendances :
De multiples modèles cohabiteront
« Il apparaît que plusieurs modèles coexistent avec de grandes différences de taille économique et de systèmes de production et de commercialisation. La très grande hétérogénéité des revenus agricoles entre les catégories d’entreprises agricoles, notamment en termes d’orientation technique et économique, de taille et de canaux de distribution, tend à persister », concluent les auteurs du rapport.
Le rapport recommande de réfléchir à un système de régulation des marchés pour après 2027
Forts de ces perspectives, ils formulent un certain nombre de recommandations aux autorités étatiques :