Les promoteurs et constructeurs de maisons individuelles tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. Outre le contexte d’inflation et les difficultés d’obtention de crédits immobiliers pour les ménages, la hausse des coûts des matériaux leur fait craindre une nouvelle baisse de l’activité. Après une année 2022 « compliquée » avec l’augmentation de la consommation énergétique des concasseurs, des matériaux de construction, des granulats et du béton, les professionnels s’attendent à une « nouvelle baisse d’activité » en 2023, qui retombera ainsi quasiment au niveau de l’année Covid en 2020.
Béton, pierre granulats…
Les principaux matériaux de construction, la production de béton prêt à l’emploi et de granulats utilisés également pour les chantiers publics devraient chuter de 4% en volume l’an prochain, après une baisse qui devrait également être de 4% en 2022, selon les prévisions publiées par le National Syndicat des Industries de Carrières et des Matériaux. (Unicem). Elle table sur 331 millions de tonnes de granulats extraits l’an prochain en France contre 327 millions de tonnes en 2020, et 37,6 millions de mètres cubes de béton coulés contre 37 millions en 2020.
Au cours des 10 premiers mois de cette année, l’organisation, qui regroupe 7 100 sites de production de pierre, tuile, béton ou granulats, représentant 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires consolidé, a vu ses livraisons de produits diminuer de 3,1 % par rapport à la même période en 2021, « avec une aggravation de la tendance ces derniers mois ». Dans le détail, l’activité des carrières baisse un peu moins en fin d’année que la production de béton : « il est possible que pour se prémunir contre le risque de pénurie lié aux dépenses énergétiques prévisibles en début d’année, les carrières s’engagent dans les stratégies de stockage, augmentant actuellement leur production », a déclaré Alain Boisselon, président de l’Unicem.
Flambée des coûts et risque de défaillances d’entreprises
De plus, la flambée des prix de l’électricité a un impact certain : « Les concasseurs utilisés sur les chantiers sont tous électriques car ils ont besoin de beaucoup de puissance au démarrage, explique Alain Boisselon. Mais le prix de l’électricité sera multiplié par 4 ou 5 entre cette année et l’année prochaine ». Le choc est d’autant plus grave pour le secteur que jusqu’à fin 2021 il avait été épargné par les hausses de prix qui touchaient principalement les matières importées : bois, plastique, cuivre… « Nous sommes locaux et à l’abri des tensions internationales, mais en En 2022, nous avons été dépassés par l’inflation alimentée par l’énergie », a-t-il ajouté.
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De janvier 2021 à fin octobre 2022, les prix du béton prêt à l’emploi ont ainsi augmenté de 7,4 %, selon l’Insee. Celles en pierre de construction avec 7,4%, et celles en sable et granulat avec 7,3%. Bien moins que l’aluminium (+70%), le bois scié (+39%), le cuivre (+30%), les tuiles et briques (+27%), le plastique (+20%) ou le ciment (+16%), selon même provenance. Mais alors qu’une baisse s’amorce pour l’aluminium, le cuivre ou le bois, les prix du béton continuent d’augmenter, liés aux prix de l’énergie. L’inquiétude d’Unicem est d’autant plus grande qu’il s’agit d’un secteur qui peine à répercuter les hausses de coûts sur ses clients, et qui observe cette année une hausse des coûts de production d’environ 10 %. Du coup, « les régions nous signalent des inquiétudes de professionnels qui craignent la faillite d’entreprise », précise Alain Boisselon.
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Ralentissement de la production de logements
Seul point positif, les carnets de commandes, dopés par la reprise post-covid, restent « très élevés », à 9,4 mois. « Mais les professionnels s’inquiètent de voir que les délais de démarrage des chantiers s’allongent, souligne Carole Deneuve, responsable du service économique et statistique de l’Unicem. Nous doutons que tous les permis puissent être pleinement réalisés. » Malgré un bouleversement des permis de construire, lié à l’entrée en vigueur du RE2020, « la demande de produits immobiliers est en baisse, note Carole Deneuve. Sur les trois derniers mois, le nombre de permis de construire a baissé de 25 % par rapport au correspondant aux trois mois de 2021″ dans les maisons unifamiliales, note-t-elle.
En particulier, les promoteurs et constructeurs de maisons individuelles font face aux difficultés de l’allongement des délais de construction, des difficultés d’approvisionnement en matériaux et de recrutement, sans oublier les coûts budgétaires des projets complexes, compte tenu des délais de démarrage des travaux. Pour Alain Boisselon, il y a un risque de « casser la filière du BTP neuf » : « On pourrait très bien avoir les mêmes problèmes qu’EDF si on nous obligeait à fermer nos centres de formation, ce qui mettrait à mal une filière d’excellence ». L’Unicem forme chaque année un millier d’apprentis sur trois sites d’études, dans des filières telles que chef de mine, conducteur de machine ou tailleur de pierre. L’organisme souhaite également obtenir un report à juillet 2023 pour le début de la collecte des éco-contributions dans le cadre de la mise en place des filières REP de valorisation des matériaux et déchets de construction, effective à partir du 1er janvier 2023.