Douze arguments pour répondre aux anti-écologistes à la Saint-Sylvestre

Viande, chasse, avions « verts », nucléaire… Que répondre à l’argument anti-écologie entendu lors des dîners de famille ? Suivez le guide Reporterre.

Obliger les fêtes de Noël, vous serez peut-être confronté à un oncle climatosceptique, une tante éco-anxieuse ou un beau-frère techno-solutionniste. Votre famille peut tester votre nerf vert. Pour survivre en ces temps difficiles, Reporterre vous donne quelques raisons de combattre les mensonges anti-écologie.

« Les chasseurs sont les premiers écologistes de France »

Votre oncle chasseur ne s’en est pas soucié : quoi qu’en pensaient les « bobos », lui et ses amis ont été les premiers écologistes de France. C’est aussi le président lui-même, Willy Schraen, qui l’a dit. Alors que lui dites-vous ? Déjà, chaque année, leurs armes dispersent pas moins de 6 000 tonnes de plomb dans la nature, empoisonnant les sols et certains animaux. C’est plus d’un tiers des espèces chassables en France menacées ou quasi menacées d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Ou que de nombreuses techniques de chasse sont indifférentes à la souffrance animale. Quelques photos de bêcher un blaireau ou un chevreuil épuisé par des heures de chasse devraient l’en convaincre.

Mais les chasseurs sont importants pour la régulation de l’espèce, dirait votre oncle. Rappelez-lui alors qu’ils sont responsables de l’explosion du nombre de sangliers. A la fin des années 1960, avec la disparition du petit gibier délogé par l’agriculture moderne, les chasseurs ont perdu leur proie favorite. Pour résoudre ce problème, ils ont élevé, relâché et nourri de nombreux sangliers… et le font toujours, pour le plaisir de la chasse. Il faut savoir que les seuls régulateurs de l’espèce sont les grands prédateurs.

« Les scientifiques ne sont pas tous d’accord sur l’origine humaine du changement climatique »

C’est un classique pour les climato-sceptiques : la planète se réchauffe mais rien ne prouvera la responsabilité humaine. A les entendre, la communauté scientifique sera même divisée sur la question. Mais une étude publiée en 2021 montre que ce n’est pas le cas. Elle a analysé plus de 88 000 articles scientifiques publiés depuis 2012 et les résultats sont sans ambiguïté : 99,9 % montrent que l’activité humaine, via les émissions de gaz à effet de serre, modifie le climat. « Les explications alternatives […] sont très rares », ont déclaré les scientifiques. A titre de comparaison, l’origine anthropique du réchauffement climatique fait autant consensus dans la communauté scientifique que la théorie de l’évolution ou la tectonique des plaques.

« C’est la faute des Chinois. Nous, on n’y peut pas grand-chose »

Innocente, France ? Pas vraiment. Afin d’avoir une vision réaliste de son empreinte carbone, il est nécessaire d’inclure les émissions « importées », c’est-à-dire celles produites à l’étranger pour fabriquer des produits consommés dans la région. Par exemple, les émissions de l’usine iPhone sont calculées en Chine alors qu’elles seront utilisées en France. En 2018, selon le rapport du Haut Conseil pour le Climat, l’empreinte carbone « pleine » de la France était de 749 mégatonnes d’équivalent CO₂, ce qui correspond à 11,5 tonnes d’équivalent CO₂ par habitant. Cependant, le calcul a été révisé et est maintenant évalué à 8,9 t. Cela reste supérieur à la moyenne mondiale qui, selon la climatologue Valérie Masson-Delmotte, s’élève à environ 7,5 tonnes d’équivalent CO₂ par personne.

La notion de responsabilité, en termes de climat, s’étend également aux émissions historiques. Le dioxyde de carbone reste pendant cent ans dans l’atmosphère. Depuis 1850, la France a émis plus de 38,5 gigatonnes de CO₂ sur son territoire. Elle s’est ainsi hissée à la treizième place parmi les nations qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Pour l’instant, les mesures prises par la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre ne suffisent pas – qui a été sanctionnée par la justice pour ne pas avoir agi sur le climat.

« Les énergies renouvelables sont inutiles. On a déjà le nucléaire »

L’EPR de Flamanville n’a pas été achevé après plus de seize ans de travaux, et que la Finlande n’a toujours pas démarré, également après dix-sept ans de construction – il devrait enfin démarrer en mars prochain. Même en cas de renouvellement du parc nucléaire et d’allongement de la durée de vie des réacteurs existants, l’énergie atomique ne pourra jamais couvrir plus de 50 %, au plus, des besoins électriques de la France d’ici 2050. C C’est ce que montre Transmission d’électricité. Network (RTE) dans le rapport 2021. « Tous les scénarios supposent un effort important dans toutes les technologies d’énergies renouvelables, sans exception », a-t-il conclu. Le parc nucléaire vieillit en effet et de nombreux réacteurs devront être arrêtés dans les trente prochaines années. Si l’on veut atteindre la neutralité carbone, la France doit développer ses énergies renouvelables coûte que coûte… et économiser drastiquement sa consommation d’énergie.

« Les nouveaux réacteurs vont résoudre la crise climatique »

La conception des EPR2 n’est pas encore achevée et ils n’ont pas encore reçu l’agrément de l’Autorité de sûreté. Imaginons que tout se passe bien : les deux premiers EPR2 seront alors prêts en… 2035, au mieux. Or, la priorité face au réchauffement climatique est de réduire très rapidement les émissions de gaz à effet de serre. La France a accepté l’objectif européen de réduire ses émissions de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Il faut réduire de 4,7 % par an… maintenant, pas en 2035 ! Et à court terme, la politique la plus efficace est de réduire la consommation d’énergie et d’installer des énergies renouvelables, ce qui nécessite moins de temps de construction.

« L’avion, c’est pas si grave car ils seront bientôt écolos »

L’avion « vert » est maintenant un mirage. Il faudra, au moins, attendre encore vingt ans avant le décollage du premier avion électrique. La lutte contre le changement climatique ne peut pas attendre aussi longtemps. De plus, cet avion nécessitera une grande quantité d’électricité pour fonctionner, au détriment d’autres usages.

Quant aux biocarburants, leur utilisation à grande échelle peut avoir des conséquences environnementales catastrophiques et augmenter la déforestation. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) s’est engagée à utiliser 50 % (soit 285 millions de tonnes par an) de « carburant d’aviation durable » d’ici 2050. Le problème : selon les Amis de la Terre, cela prendrait près de 3,5 millions d’hectares de terres – la taille de la Belgique – pour produire même 2 millions de tonnes d’agrokérosène par an. Le secteur s’appuie fortement sur les biocarburants de deuxième génération, fabriqués à partir de déchets agricoles ou de cultures, pour remédier à ce problème. Mais ce secteur n’en est qu’à ses balbutiements, et ce carburant alternatif doit être mélangé au kérosène, souligne Le Monde.

À Lire  Forges-de-Lanouée : de nombreux ouvrages et une cabane de ...

A ce jour, l’aviation est responsable de 4% de la surchauffe anthropique de la planète, selon une étude publiée en 2021 dans la revue Environmental Research Letters. En 2050, s’il continue d’augmenter, le trafic aérien augmentera la température mondiale de 0,1°C. C’est loin d’être négligeable.

« Si tu ne manges pas de viande, tu vas tomber malade »

Les végétariens sont considérés comme malsains. Cependant, au contraire. Non seulement les personnes qui renoncent à tous les aliments carnés sont en meilleure santé grâce à des habitudes alimentaires plus saines, mais surtout, elles sont moins sujettes au cancer colorectal. Plusieurs études scientifiques ont en effet montré un lien entre la consommation de viande rouge et de charcuterie et l’apparition de cette maladie. Enfin, il est important de rappeler l’impact carbone de l’élevage, responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

« Abîmer des œuvres d’art est un scandale »

Votre famille ne peut s’empêcher de jeter de la soupe sur les tournesols de Van Gogh et d’autres peintures ciblées par le mouvement Just Stop Oil. Pour défendre cet acte politique, vous pouvez commencer par rappeler que l’œuvre, protégée par du verre, n’est pas abîmée. Passons ensuite au financement des musées, largement subventionné par les énergies fossiles, et donnons le bilan carbone de l’art (70 millions de tonnes de CO₂ par an).

« Qu’est-ce qui a le plus de valeur ? L’art ou la vie ? »

Enfin, vous pouvez expliquer que l’art est devenu un marché spéculatif complètement déconnecté de la réalité sociale et écologique. Et terminé par la question posée par les militants : « Qu’est-ce qui a le plus de valeur ? L’art ou la vie ? »

« Quelques degrés de plus, c’est chouette. On pourra déjeuner en terrasse à Noël »

Une augmentation de 2°C de la température globale ne signifie pas, par exemple, 22°C au lieu de 20°C. Il s’agit d’une moyenne : en effet, le changement climatique provoquera plus de canicules, de sécheresses, de tempêtes, d’inondations… que le monde n’en a jamais connu.

Côté biodiversité, le manque de froid perturbe certaines cultures, comme le blé et l’orge, qui produiront moins d’épis – et devraient affecter la production agricole mondiale. Certaines espèces animales ont vu leur cycle de vie perturbé. Prenons l’exemple de la marmotte. Cela semble contre-intuitif mais en hiver, la neige agit comme une couette recouvrant leurs trous pour maintenir une bonne température d’hibernation. Si la couverture de neige est trop mince à cause de la chaleur, les marmottes peuvent mourir de froid.

« Vous les écolos, vous voulez tout interdire »

Barbecue, voiture, avion… au vert, fête des couches ? Certes, pour rester en dessous de 1,5°C (voire 2°C) et éviter la sixième extinction de masse, il faut radicalement changer notre mode de vie : manger beaucoup moins de viande, réduire nos déplacements, limiter l’achat de vêtements neufs. Plutôt que d’invoquer l’absurde « autoritarisme vert », multiplions les alternatives : troc et ateliers de réparation ; recettes végétaliennes gastronomiques; vélos cargo et autres véhicules alternatifs…

Et posons-nous la question : la liberté de quelques-uns (en général, les Occidentaux) justifie-t-elle la privation de la liberté de beaucoup d’autres ? Nous consommons près de 20 kg de vêtements neufs par an et par personne en France : où est la liberté pour les travailleurs qui travaillent en situation de catastrophe ? Où est la liberté pour les habitants du territoire pollué par cette industrie ? Ce qui nous « interdit » de beaucoup de choses, ce ne sont pas les écologistes, mais le changement climatique (et les dirigeants qui ne l’arrêteront pas). Les rations alimentaires après la perte des récoltes agricoles, la propagation des maladies, l’obligation de rester confiné dans une pièce climatisée à forte chaleur, la perte de son logement et de tout ce que l’on possède après une soi-disant catastrophe naturelle… Alors, il vous reste de la salade?

« L’écologie n’est ni de droite ni de gauche »

Maintenant votre voisin de table vous garantit que la droite a fait plus que la gauche pour le climat : la loi moratoire sur les OGM, la Charte de l’environnement dans la Constitution… ou La France insoumise se fera à sa place », a déclaré le politologue Florent Gougou. Autrement dit, la droite s’est beaucoup organisée mais a peu fait pour contrer la crise écologique. Si l’on se base, par exemple, sur le programme de chaque parti pour l’élection présidentielle, la conclusion est claire : les plus susceptibles d’obtenir Nous sortons de la crise écologique les politiciens ancrés à gauche. Pourquoi ? Parce que la droite, macroniste y compris, entend résoudre la crise climatique sans changer le système – productif, néolibéral, capitaliste. Pourtant, comme le disait Albert Einstein : « Vous ne peut pas résoudre le problème avec la même façon de penser qui a créé le problème. »

« De toute façon, c’est foutu »

Puisqu’on va tous mourir un jour, autant en profiter avant ! Pour contrer l’argument de votre beau-frère défiant le climat, utilisez la métaphore de la maison en feu de Jacques Chirac. Imaginez un feu qui s’éteint dans votre cuisine. Essayez-vous d’éteindre le feu pour sauver le reste de votre appartement ? Ou vous vous épuisez sous prétexte que « tout a foiré » ? Pour la crise climatique, c’est la même chose : chaque dixième de degré compte. Très concret, si on dépasse les 2°C de réchauffement climatique, tous les coraux vont disparaître. Le nombre de personnes qui manqueront d’eau doublera presque. En France, la plage où vous avez passé votre enfance va disparaître, avalée par l’eau. Il s’agit d’un réchauffement de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, mais certains scientifiques prédisent qu’il pourrait atteindre 4°C, avec des conséquences pires. Le mieux est donc d’agir pour stopper rapidement les émissions de gaz à effet de serre.

📨 Abonnez-vous à la newsletter gratuite

Inscrivez-vous en moins d’une minute pour recevoir gratuitement par e-mail une sélection d’articles publiés par Reporterre, quotidiennement ou hebdomadairement.