jeu. 27 octobre 2022 14:34 • AFP
Les endives se flétrissent dans les rayons, les choux retournent au frigo : dans une France inondée de douceur, les fruits et légumes d’automne peinent à trouver preneurs et les producteurs souffrent.
Ce jeudi les températures monteront à 28°C dans le sud-ouest, une anomalie persistante en ce mois d’octobre, qui « sera sans doute un mois record en termes de chaleur » pour Météo-France.
Au marché Cristal de Toulouse, « les clients demandent des jus de fruits comme les prunes plutôt que des fruits de saison comme les pommes. Ils veulent encore moins de noix et de châtaignes », a déclaré à l’AFP Yves Hérisson, 60 ans, primeur de Gagnac-sur-Garonne, à 18 km de la Ville rose.
« A cette période, on fait généralement plus de courges, de poireaux », explique Nadim Attal, 55 ans, autre figure de ce marché.
Même constat à Strasbourg, où « la saison des ratatouilles est encore dans la tête des clients », déplore Jacques Walter, primeur d’Ostwald (Bas-Rhin), dont les choux, installés sur ses étals de marché de la place Broglie, n’ont trouvé aucun preneur.
A la tête d’Interfel, qui regroupe l’ensemble des métiers de fruits et légumes, des producteurs aux distributeurs, Laurent Grandin décrit un secteur en mauvaise posture : ses coûts de production se sont envolés, la sécheresse estivale a réduit les volumes, et la consommation, déjà freinée par inflation. , il se retrouve « en décalage ». « On assiste à un bouleversement de la consommation, comme le changement climatique », soupire-t-il.
Au printemps, les récoltes précoces avaient dérouté les consommateurs, notamment urbains, qui essayaient de manger des produits locaux et de saison et étaient parfois réticents à manger des cerises et des abricots depuis la mi-mai. Cet automne, les températures estivales freinent les achats de légumes de saison.
« Marché atone »
Cette douceur est une épée à double tranchant. Elle peut avoir des avantages, prolongeant la croissance des produits de plein champ comme le haricot ou la courgette… Mais le manque d’eau persistant est préoccupant, notamment dans le nord-est et le sud-est du pays.
Cette année, le stress hydrique a favorisé une production précoce : artichauts plus petits en Bretagne, pommes de terre parfois rabougries au nord de la Loire. Les fruits arrivaient souvent en abondance, mais « plus petits et plus sucrés, et donc plus difficiles à conserver », précise Grandin.
« Il fait tellement chaud qu’on voit des fissures dans la peau des pommes : c’est la porte d’entrée des maladies. Les fruits pourrissent même dans les réfrigérateurs », explique Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) et productrice à Moissac ( Tarn-et-Garonne).
« Le consommateur ne s’en rend pas compte parce que nous le résolvons, mais nos pertes sont énormes et nous constatons une baisse de la consommation à mesure que nos coûts explosent », dit-il.
L’exemple type est celui de la pomme : cette année la production française augmentera de 12 % mais « le marché est atone », selon une note du service statistique du ministère de l’Agriculture. Et les prix chutent en raison de la concurrence des pommes polonaises, qui arrivent en France pour compenser la perte de marchés en Europe de l’Est due à la guerre en Ukraine.
Une situation explosive pour les producteurs qui depuis des semaines se disent « au pied du mur énergétique » face à la flambée des coûts de stockage des récoltes.
« Il va falloir stocker ce que les gens n’achètent pas », constate Françoise Roch. Pour les pommes et les poires, qui doivent être stockées entre 0 et 8°C, il craint qu’en 2023 les coûts de stockage augmentent de 400 %.
Le pire pour les viticulteurs serait un hiver trop doux qui pourrait être suivi de gelées mortelles sur le dessus. « Et sans coup de froid », prévient Mme Roch, « les arbres fruitiers démarrent mal, avec de vilaines fleurs ».
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