Comme beaucoup dans la profession, cet agriculteur, qui souhaite rester anonyme, a fait les frais de la hausse du prix des matériaux de construction, qui perdure depuis plusieurs mois. Désormais, il est situé en face d’un bâtiment inachevé d’une superficie de 325 m2, qui devait lui permettre de stocker des aliments pour animaux. Le chantier n’est toujours pas terminé, et il ne cache pas son inquiétude pour l’avenir : « Le trésor public s’enfonce dans le rouge, donc tant que les prélèvements ne seront pas réduits, les travaux n’avanceront pas ». Lorsqu’il a décidé de réaliser son projet, il l’a lancé en toute confiance en 2021 avec une facture préliminaire en main et des prêts complétés.
Lors de la signature de la commande, on m’a annoncé une augmentation de cadre de 9000 euros ! Je devais continuer de toute façon. Mais dans l’atelier que j’ai voulu monter dessus, le prix du parquet OSB a doublé par rapport au devis ! C’est pourquoi je n’ai pas fait ce travail. Le surcoût de 9 000 euros m’a obligé à reporter les travaux d’électricité. Heureusement c’était un bâtiment en bois, mais un bâtiment en acier aurait coûté le double et j’aurais dû abandonner le projet ! En fait, cela est arrivé à de nombreux agriculteurs.
Selon les experts du secteur, la principale inquiétude réside chez les maîtres d’ouvrage qui n’ont pas conclu de contrat pour la construction de maisons individuelles. Ce dispositif vise à protéger les consommateurs, notamment en livrant au prix et dans les délais convenus. En d’autres termes, les personnes qui se sont rendues sur le chantier sans CCMI ont subi le poids des multiples hausses de prix.
Ils ne peuvent pas faire un second emprunt et sont bloqués avec une maison non finie
Un constructeur de maisons individuelles du Puy-en-Velay affirme que le Crédit Agricole avait « beaucoup de clients » cette année qui étaient en auto-construction, c’est-à-dire en maîtrise d’ouvrage, qui devaient débloquer l’intégralité de leur prêt avant la fin de leur construction, et qui se retrouvent sans argent pour terminer leur construction. Ils sont dans une situation difficile, car ils ne peuvent pas contracter un autre prêt et sont coincés avec une maison inachevée, tout en payant un loyer. A savoir qu’actuellement, les banques ont tendance à freiner des deux pieds pour financer la maîtrise d’ouvrage ou à demander systématiquement la signature de contrats de construction. En revanche, ceux qui ont pris CCMI avec les constructeurs ont bénéficié de prix fermes et définitifs jusqu’à la fin du projet : « C’est arrivé dans notre cas, avec des clients très satisfaits, puisque c’est nous qui avons absorbé les augmentations », explique Didier Bost. , directeur général de la Maison du Velay. Le coût total de la construction d’une maison aurait augmenté de 18 à 22 % ces derniers mois. Du fait de la force de ce système et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la construction de maisons individuelles a fortement augmenté en 2021 (+25,8% selon le ministère de la Transition écologique). La tendance semble se poursuivre :
Nous n’avons jamais eu autant de contrats. Grâce aux banques à la recherche de CCMI, les personnes qui réfléchissaient à la maîtrise d’ouvrage (le faire soi-même, ndlr) se sont rendu compte que passer par un constructeur ne coûte pas plus cher, avec des prix fermes, une assurance chantier, une assurance dommages et une garantie de livraison .
La Maison du Velay devrait quasiment doubler le nombre de ses contrats cette année. Dans un exercice traditionnel, le producteur compte en moyenne 10 caisses. Pour le moment, 16 d’entre eux ont déjà été signés, le 17 devrait l’être en novembre, et plusieurs sont en cours jusqu’à la fin de l’année. Le prix moyen des maisons, jusqu’ici autour de 200 000 euros, a bondi de 30 000 voire 35 000 euros, sans compter l’achat de terrains. Et du côté du Syndicat interprofessionnel des métiers du bâtiment, la prudence s’imposait et les entrepreneurs devaient réduire leurs marges pour faire face à leurs obligations. « Il est clair que nous ne sommes pas concernés par des chantiers qui ne seraient pas achevés en raison de la hausse des coûts », a déclaré Thierry Grimaldi, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment de Haute-Loire (Capeb 43). « Lorsque les artisans démarrent le projet, les prêts sont acceptés à la banque et les offres sont finalisées. Quand on travaille avec des particuliers, il faut respecter l’offre qui a été signée au préalable. » Autrement dit, étant donné que les devis ne sont pas auditables, les artisans ont réalisé les travaux aux prix qui étaient au départ et ont réduit les marges : » Pendant plusieurs mois, on perdait de l’argent. On s’est adapté, on s’est plié », poursuit Thierry Grimaldi. En revanche, c’était beaucoup plus supportable avec les marchés publics, avec des quotas révisables.
Nous n’avons pas eu de projet arrêté
L’influence a été plus grande du côté des particuliers qui ont travaillé avec le bureau d’architecture : « Ici, les projets sont au niveau de l’architecte, du permis de construire et de la concertation. Cependant, la consultation a révélé que les prix ont augmenté de 30 % pour diverses raisons. On peut parler d’environ 15 % pour les matériaux et 15 % pour les nouvelles normes. De ce fait, les responsables du projet se sont retrouvés en difficulté et n’ont pas pu le financer. Souvent ce sont des projets, pour ainsi dire, qui ont été stoppés dans l’œuf et qu’on n’a pas vu aboutir », conclut le président de Capeba 43. Justement du côté des architectes, selon le cabinet, les difficultés étaient mineures : « Nous avons enfin quelques cas qui ont ralenti. Les personnes qui font appel à un architecte sont généralement issues des catégories socioprofessionnelles les plus aisées et financièrement ça se passe bien. Bien sûr, quand les coûts augmentent, ils se plaignent, mais ils ont des économies pour cela », témoigne-t-on auprès de l’agence Berger-Granier architectes : « Notre projet n’a pas été arrêté car les travaux coûtaient plus cher. Il arrive généralement que les gens arrêtent le bricoleur là où ils peuvent le faire eux-mêmes, comme le plaques de plâtre ou la peinture. »
Cédric Dedieu et Nathalie Courtial