Lorraine, Damien et leurs deux enfants doivent emménager dans leur nouvelle maison à Moselle. Le couple ne souhaite pas l’installation d’un compteur Linky. Mais ont-ils raison ?
Par Antony Speciale
Publié le 18 janv. 23 à 16:01
mis à jour le 18 janv. 23 à 16:08
Nous sommes le 18 janvier 2023. Lorraine, Damien et leurs deux jeunes enfants s’apprêtent à emménager dans leur nouvelle maison en Moselle.
« On est dans notre droit »
Oui, mais voilà, à quelques jours de l’emménagement, la famille n’a plus d’électricité à la maison, alors que les températures hivernales ont fait leur grand retour.
La raison : les travaux de raccordement électrique n’ont pas encore été réalisés car le couple s’oppose à l’installation du compteur Linky d’Enedis.
La mère de famille explique à Lorraine Actu qu’elle a demandé « qu’un compteur CBE, comme celui [qu’elle avait] depuis quelques années, soit installé ». Lorraine assure que le couple a « le droit de refuser » ce nouveau type de compteur. Elle est fiancée à un collectif anti-Linky, et le maire de sa commune a également exprimé son soutien à la famille.
Nous avons pesé le pour et le contre et avons trouvé plus de « contre » que de « pour ». Je ne veux pas qu’un objet connecté nous regarde. Enedis nous a indiqué qu’il s’agissait soit d’un compteur Linky, soit de rien. Ils m’ont même proposé de l’installer à l’extérieur, mais j’ai tout de même répondu que je n’en voulais pas et que nous étions dans notre droit. Et pourtant Enedis a l’obligation de nous garantir l’accès à l’électricité. Nous sommes en période hivernale, sans chauffage et sans électricité. Cette extorsion et cette pression sont illégales.
Lorraine et Damien affirment avoir « toujours payé [leurs] factures ». Ce mercredi 18 janvier, ils ont maintenu leur position face à un sous-traitant d’Enedis en refusant d’installer un compteur Linky. Aucune opération n’a donc été effectuée. « Il fait 6 degrés dans la maison », a-t-elle déclaré mercredi après-midi.
Ce que répond Enedis
Elle s’appuie sur l’article L322-8 du code de l’énergie, et sur un point en particulier : selon celui-ci, Enedis est chargée « d’assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l’accès à ces réseaux ».
Pour le moment, Lorraine et Damien se retrouvent sans véritable solution. « On a fait tout ce qu’on avait à faire, mais on ne va pas engager de poursuites, on sait que ça ne marchera pas », ajoute la maman. Pourtant, « nous n’abandonnons pas », dit-elle.
Pleinement consciente de l’existence de cette affaire, Enedis a souhaité apporter une réponse à Lorraine Actu. « Enedis est tenue d’installer un compteur de nouvelle génération pour chaque nouveau raccordement d’un logement au réseau public de distribution d’électricité », écrit le gestionnaire au titre de l’article R341-8 de la loi sur l’énergie.
L’entreprise « est au courant de tous ses clients et favorise un dialogue permanent avec les clients qui refusent l’installation du compteur Linky ».
Un avocat tranche
Cependant, cette affaire soulève une question de droit : Lorraine et Damien ont-ils le droit de refuser l’installation de l’appareil ? Dans un document, Enedis écrit que « l’installation du compteur communicant est imposée par la loi : elle constitue une obligation légale que le distributeur remplit ».
Plus encore : « Les particuliers ne peuvent pas refuser le déploiement de compteurs », assure Enedis dans ce même document. Enfin, « en cas d’obstacle persistant à son changement, le client pourra faire l’objet d’une « déclaration spéciale » payante au moins une fois par an ».
Interrogé à ce sujet par Lorraine Actu, Me Gilles Caillet explique que « le décret 2010-1022 du 31 août 2010 (abrogé au 1er janvier 2016, ndlr) a rendu obligatoire pour les gestionnaires de réseaux la mise en place de compteurs communicants ».
Le décret s’applique aux managers, et notamment Enedis puisque l’entreprise représente près de 95% de l’activité, mais aussi aux collectivités locales. J’ai pu voir un tel cas à Paris : Enedis dit avoir consulté un avocat qui a confirmé que le compteur Linky était bien obligatoire. Alors c’est vrai, c’est obligatoire, sauf qu’on ne dit pas pour qui.
Et c’est dans la foulée que Me Caillet développe : « L’engagement, c’est pour les managers, pas pour les clients ». Il complète : « Aucun texte n’oblige les individus à changer à tout moment et de quelque manière que ce soit ».
En revanche, l’absence de compteur Linky peut entraîner des surcoûts. Selon l’administration française, « si vous n’avez pas déposé au moins un relevé d’indice de consommation dans l’année, vous devez payer 8,30 € tous les deux mois en plus de votre facture d’électricité ». Un montant également évoqué par Me Caillet, mais « hors taxes », précise l’avocat.