Immobilier : va-t-on vers une baisse permanente des prix ? Cinq experts répondent

À l’échelle nationale, les prix augmentent durant les dix premiers mois de 2022, avec une hausse de 4,7 %, constate Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt.

C’est une limite symbolique. Le prix du mètre carré est-il passé sous la barre des 10 000 euros à Paris ? Selon Century 21 et Orpi, les prix seront en moyenne, fin septembre, respectivement de 9 758 euros et 9 615 euros le mètre carré. Il y a un an, ce prix moyen était de 10 768 euros, selon Century 21. Mais ces chiffres sont contestés. Selon les notaires du Grand Paris, le prix moyen au mètre carré dans l’appartement ancien était de 10 590 euros sur la période comprise entre mai et juillet 2022. Les notaires constatent tout de même une baisse de -1,4 % sur un an.

« Les prix restent élevés pour les petites surfaces car elles sont recherchées et restent rares. De nombreux vendeurs tentent encore de garder un pied-à-terre à Paris, observe auprès de L’Express un agent immobilier membre d’un réseau de  » agences basées à Paris. En revanche, les prix baissent dans les supermarchés. » Par ailleurs, le parc de logements à vendre dans les métropoles devrait continuer à croître sous l’effet de l’entrée en vigueur, en janvier 2023, de l’interdiction de louer les maisons qui utilisent le plus d’énergie. Cette mesure peut également contribuer à la réduction des prix.

Cependant, cette diminution du capital observée n’est pas représentative. À l’échelle nationale, les prix augmentent durant les dix premiers mois de 2022, avec une hausse de 4,7 %, précise auprès de L’Express Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt. Orpi, le principal réseau français d’agences immobilières, a connu une hausse de 8% au niveau national à partir de janvier 2022. Toujours selon Orpi, Montpellier (Hérault), Toulon (Var), ou Antibes (Alpes-Maritimes) affichent des ajouts. supérieur à 10 % ; près de 20 % à Dax (Landes) ou Vannes (Morbihan). Ce sont toutes des villes situées près de la mer, ou à proximité. « Les régions augmentent les prix avec une hausse de 6,7% constatée depuis le début de l’année », note Yann Jéhanno.

Dans l’Aube, les appartements « ne se vendent plus comme des petits pains »

Le président de Laforêt immobilier distingue plusieurs tendances pour les mois à venir, selon le type de territoire : métropole, zones périurbaines et zones rurales. « Toutes les grandes villes, à l’exception de Marseille, sont en phase de baisse ou de baisse des prix et il n’y a aucune raison pour que cette tendance s’arrête dans les mois à venir », note-t-il. Dans les zones périurbaines, où vivent trois Français sur dix, rappelle Yann Jéhanno, les prix ont jusqu’à présent augmenté. Effet Covid-19 oblige, ces territoires « sont prisés car on veut plus de surface, plus de lumière et si possible avoir un bout de jardin et une maison ». Si les prix « peuvent continuer à grimper dans les appartements lumineux ou avec un extérieur », en revanche, ceux des maisons situées dans ces zones périurbaines ont atteint une « limite » après une hausse importante, note-t-il.

Enfin, en zone rurale, la tendance est plutôt à la baisse après une période où « beaucoup de maisons ont vu leur prix augmenter ces 12 ou 24 derniers mois sans raison structurelle », note Yann Jéhanno. Il faut dire que le coût de l’essence, de l’énergie ou de l’entretien de la maison peut être de plus en plus dissuasif. « On voit des familles revenir dans les régions métropolitaines, observe le président du réseau Laforêt. Auprès de L’Express, Aurélien Muhlhauser, conseiller en immobilier chez IAD France dans l’Aube, note également des prix qui « stagnent voire commencent à baisser » dans ce département, en zone périurbaine et en zone rurale « car il y a plus d’articles pour vente sur le marché ». C’est notamment le cas des maisons de deux ou trois pièces situées autour de Troyes, qui sont en dessous de 200 000 euros. De même, alors que les appartements « il y a un an se vendaient comme des petits pains, ce n’est plus le cas », observe cet agent immobilier.

Selon Aurélien Muhlhauser, cela ne fait aucun doute : les prix vont baisser en 2023. « L’année prochaine sera totalement différente, c’est sûr », dit-il. Cette baisse s’explique notamment par la hausse continue des taux d’intérêt des crédits immobiliers, qui ont déjà dépassé la barre des 2% – jusqu’à ce que la barre des 3% attendue pour l’année soit atteinte en 2023 -, et le taux d’usure, qui complique l’accès au crédit . « De moins en moins de familles peuvent acheter, surtout dans les grandes villes, car les taux d’intérêt augmentent et les prix ne baissent toujours pas », a déclaré l’agent immobilier à Paris.

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« Le plus important dans notre travail est, et le sera encore plus à l’avenir, d’assurer le financement des clients, et que ce financement soit à jour. C’est la première chose que nous demandons », souligne-t-elle Aurélien Mühlhauser. L’enjeu, avant tout, est « d’informer les vendeurs de la réalité du marché » alors qu' »ils sont encore habitués aux prix élevés de ces deux dernières années ». « Le marché immobilier va changer, il va falloir s’adapter en termes de négociation et d’explications », ajoute-t-il. « La vraie question est de savoir combien de temps il faudra pour accepter les nouvelles conditions du marché : les vendeurs les accepteront-ils rapidement ou résisteront-ils jusqu’au dernier moment ? demande aussi Yann Jéhanno.

Bordeaux, Ile-de-France… Des transactions déjà en baisse

Cette question sera très importante pour déterminer le volume des ventes. Le cap du million de ventes devrait être franchi en cette année particulièrement « dynamique » pour le secteur, rappelle à L’Express Jean-Baptiste Bullet, porte-parole des notaires du Grand Paris. Mais ce chiffre sera sans doute plus difficile à atteindre l’an prochain. « Il est peu probable que nous fassions plus de transactions en 2023 qu’en 2021 ou 2022 », a déclaré Yann Jéhanno. Comme le rappelle Guillaume Martinaud, président de la Coopérative Orpi, le volume des compromis signés en 2022 est au même niveau qu’avant le déclenchement de l’épidémie de Covid-19 en 2019 (+0,33%). Selon lui, la tendance actuelle est à « un retour à des conditions de marché normales après deux années particulièrement dynamiques pour notre secteur entre l’accélération des projets et le pic des transactions ».

Mais à certains endroits, les transactions ralentissent déjà, avec des acheteurs et des vendeurs de plus en plus « prudents », comme le constatent les professionnels. A Bordeaux, le nombre de signatures de compromis a diminué de 33% par rapport à 2021 durant la période entre janvier et août, note l’Orpi. « Les vendeurs n’ont pas spécialement envie de vendre et les acheteurs n’ont pas spécialement envie d’acheter. On est dans une période un peu attentiste », note à L’Express Jean-François Hirigoyen. Le directeur de l’agence du même nom à Bordeaux précise cependant que la demande est toujours forte pour trouver « la perle rare » dans la préfecture de Gironde : « une maison avec jardin ».

En Ile-de-France, près de 54.000 maisons anciennes ont été vendues de mai à juillet 2022, soit une baisse de 7% par rapport à la même période il y a un an, ont relevé les notaires du Grand Paris. « Cela ne s’était pas produit depuis longtemps », note Jean-Baptiste Bullet. Cependant, ce chiffre cache des disparités assez importantes et concerne principalement les maisons, avec un volume de ventes qui a diminué de 14%, contre une baisse de seulement 3% pour les appartements. Le notaire dit qu’il « attend » l’année prochaine. Et il est « incertain » d’assister à terme à « une véritable baisse des prix ou un effondrement ». « Je pense que nous verrons plus de stagnation », convient-il.

Pour l’agent immobilier basé à Paris, le facteur déterminant dans un achat dans la capitale n’est pas le prix au mètre carré. Les acquéreurs « reviennent à des critères essentiels », comme la copropriété, les versements de copropriété ou encore le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Avant tout, ils choisissent leurs biens sur « l’écrasement » et sur leur ressenti en termes de « répartition foncière » ou de « potentiel de développement ». A Paris, les biens nécessitant de gros travaux sont « moins recherchés » en raison de la hausse du coût des matériaux, observe-t-il. Difficile d’oublier longtemps la question financière…