La gestion est lente, l’exercice est détendu

« Le monde marche lentement vers la sagesse »

Les modes managériales ou la mode du management 

Le management est une technoscience avec deux siècles d’existence ; a pris de l’ampleur avec l’industrialisation et la bureaucratisation massive des pays développés. Face à ce succès organisationnel, de nouvelles variantes et pratiques ont été mises en place pour mesurer et gérer de plus en plus. Rien n’échappe à l’attention managériale qui se décline en nuances infinies. Les modes de management sont notés par leurs adjectifs en anglais, par exemple : drive management, soft skills, lean management, sustainable development.

Comme souvent dans la refonte complète d’une phrase anglophone en français, c’est une idéologie et une croyance qui s’enracinent, pas seulement une pratique décrite. Pour le salarié, qu’il soit manipulé par petites bouchées, légèrement, en douceur, ou dans un but durable, rien ne change. Le travail, les collègues, les produits et les clients sont toujours dans l’équation, et surtout le service et les avantages de ceux qui mettent tout cela en pratique.

Nouvelle mode

Peut-être qu’une prise de conscience contemporaine de la fragilité qui nous traverse nous donne envie de goûter un peu plus à la vie et d’enchaîner des tâches moins répétitives et dénuées de sens. La « gestion lente » viendrait d’un effort pour freiner notre agitation incessante. Elle vient en contrepoint d’une logique taylorienne et fordiste qui mise sur l’accélération continue des cycles de fabrication et les rendements croissants pour trouver la pratique la plus efficace.

Pour Roche (2011), le slow management fait sortir les managers de leurs bureaux pour aller à la rencontre de ceux qui composent l’entreprise. Il affirme « Cette gestion lente permet de construire la légitimité et la confiance, l’inclusion de chacun dans un projet collectif et la restitution du sens du travail. Il identifie les origines de ce concept dans les pratiques prônées par Hewlett et Packard, fondateur de la société HP, un « management ambulant », qui prend le temps des réunions et du flux constant d’activité, pour apprendre à se connaître- entre managers et managers . des employés Ce management valorise la présence du manager auprès des équipes et privilégie une écoute approfondie.

Quant au terme « Slow management », il est apparu pour la première fois en 2004, dans le livre « A Bias for Action », de Heike Bruch et Sumantra Ghoshal. Son défi est de remettre les hommes et les femmes au cœur des entreprises, en privilégiant la collaboration humaine à la performance à tout prix. Cet objectif nous fait comprendre que jusqu’à présent les salariés sont restés périphériques, à l’écart.

Et si le slow management faisait partie d’un idéal plus normatif qui prescrit les comportements à adopter ? Ce serait une alternative à la croissance galopante. En mettant l’accent sur le sens et la reconnaissance, il viserait à stopper l’hémorragie des motivations humaines vers le travail.

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Incidence sur l’apprenance 

Si l’expression slow management est prise au pied de la lettre, il s’agit alors de décliner une humanisation de la formation. Et donc remettre les apprenants au centre du système. Trop souvent ces derniers font partie de cursus où le quota de temps d’apprentissage est la norme. Tout se passe du point de vue des prescripteurs comme si les temps financés et les temps d’apprentissage coïncidaient. Ce n’est pas le cas, car les taux d’apprentissage prennent de nombreuses dispositions et trajectoires individuelles inconnues des concepteurs de programmes.

Dès lors, le médiateur du savoir, qu’il soit éducateur ou formateur, passe-t-il suffisamment de temps à connaître chaque apprenant dans le détail, ses motivations, ses envies, ses difficultés ? Rien n’est moins sûr, car il faut souvent rentrer dans une enveloppe limitée dans le temps. Prendre le temps de connaître personnellement la personne que l’on est censé guider fait rarement partie des routines pédagogiques lorsqu’il s’agit de gérer les flux.

Tout comme pour la gestion, il est essentiel de se poser la question des finalités, notamment individuelles, plutôt que de se précipiter sur une modalité pédagogique supplémentaire, par exemple l’éducation en bouchée. Ces bouchées, qu’il s’agisse d’extraits vidéo, de podcasts téléchargeables, de texte de synthèse, constituent-elles un repas complet et équilibré ? Si le slow management avance, on espère qu’il laissera plus de place aux profils atypiques, aux talents singuliers, ceux qui ne grandissent pas droit et s’en vont petit à petit.

Rappelez-vous ce proverbe qui dit que les arbres tordus ne finissent pas droits. Ils vivent plus longtemps. Les compétences atypiques qui mettent du temps à se développer sont aussi celles qui pourraient apporter plus de résilience à l’entreprise.

Un dicton que je viens d’inventer dit « Mangez vite, digérez fort ». De la même manière que le « fast food » reste dans l’estomac et nous fait grossir sans nous rassasier, une gestion précipitée et irrespectueuse des rythmes de chacun finit par épuiser les organismes. La situation est similaire pour l’apprentissage : la transformation des circuits synaptiques marque la nécessaire lenteur de modification des voies de pensées et d’action, parfois des répétitions et des situations diverses sont nécessaires pour assurer le déploiement de nouvelles connaissances.

Illustration : DepositPhotos – AllaSerebrina

Robert Demi. Qu’est-ce que la gestion lente ? https://www.roberthalf.fr/blog/quest-ce-que-le-slow-management#

Bruch, Heike & amp; Ghoshal, Sumantra : Un parti pris pour l’action : comment les gestionnaires efficaces exploitent leur volonté, obtiennent des résultats et cessent de perdre du temps. Boston : Harvard Business School Press, 2004

Rose, H. (2010). Accélération. Une critique sociale du temps. Lectures, livres. https://www.decitre.fr/livres/acceleration-9782707154828.html

Ce cours. Ralentir pour apprendre https://cursus.edu/fr/13212/slow-down-to-learn

Ce cours. Vers un apprentissage lent et profond

En ligneRoche, L. (2011). Gestion lente, antidote au stress. L’examen de la gestion de l’expansion, 141, 42-49. https://doi.org/10.3917/emr.141.0042

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