Pour réformer la prise en charge du risque, le gouvernement est parti d’un constat : à peine 31 % des surfaces agricoles sont assurées dans le pays. Inversement proportionnel à la multiplication des événements météo qui touchent les cultures. Le nouveau système est attendu.
Un gel tardif meurtrier, une sécheresse interminable : face à des risques climatiques qui se banalisent, la réforme de l’assurance agricole, qui entrera en vigueur le 1er janvier, vise à mieux protéger les agriculteurs.
Alors que seulement 31% des terres agricoles françaises sont assurées, l’objectif est de « créer un véritable choc dans la répartition des assurances », précise le gouvernement, qui propose un dispositif ouvert à « tous les agriculteurs, assurés ou non ». Ce nouveau système, défini par une loi promulguée en mars, « est fondé sur la solidarité nationale et le partage des risques entre l’Etat, les agriculteurs et les assureurs », selon les ministères de l’Economie et de l’Agriculture.
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Remplaçant les systèmes actuels, ce « régime universel d’indemnisation » comporte trois niveaux : un premier niveau est à la charge de l’agriculteur, qui supportera seul les pertes dans la limite d’une franchise de 20% ; un deuxième niveau est l’assurance privée (jusqu’à 50%); et un troisième niveau mobilise des fonds publics pour répondre aux situations de catastrophe.
Cette réforme était attendue tant par les opérateurs que par les assureurs dans l’espoir « d’arrêter de perdre de l’argent », selon un responsable de Groupama.
Chez les agriculteurs, le gel de 2021, qui a ravagé vignes et arbres fruitiers, a servi de « déclencheur », indique Joël Limouzin, chargé du dossier du syndicat majoritaire agricole FNSEA. « Nous ne sommes plus confrontés à un coup dur tous les cinq ou six ans : désormais, c’est tous les ans. Après 2021, les opérateurs ont compris qu’ils ne pouvaient plus lutter seuls contre le changement climatique », poursuit-il.
Inquiétude des éleveurs
L’ancien dispositif reposait depuis les années 1960 sur le dispositif des calamités agricoles, cofinancé par l’Etat et la profession. « Cela excluait les secteurs des grandes cultures et de la viticulture » qui ont été incités, à partir de 2005, à s’assurer contre paiement partiel de primes, explique Joël Limouzin, selon qui ces productions étaient mal couvertes par les assurances. « Le nouveau système est pour tout le monde, ce qui est important pour nous », ajoute-t-il.
Pour les assureurs, il fallait revenir à un solde minimum, sans trop gonfler les primes pour rester attractif. « La réforme répond bien à ces questions importantes », a déclaré Delphine Ltendart, directrice des assurances chez Groupama, premier assureur de Pacifica pour les agriculteurs (Crédit agricole).
Pour inciter les agriculteurs à s’assurer, les indemnisations publiques des non-assurés en cas de sinistres importants seront réduites.
L’assureur est placé au centre de ce nouveau régime, devenant l’interlocuteur unique des exploitants pour toute déclaration de sinistre, que les surfaces soient assurées ou non.
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Mais ce système de « guichet unique » ne sera prêt que le 1er janvier pour la grande majorité des agriculteurs, a annoncé le ministère de l’Agriculture le 19 décembre.
L’Etat, en effet, n’a pas encore trouvé d’accord, financier et technique, avec les assureurs qui géreront seuls l’indemnisation des non-assurés en cas de sinistre exceptionnel.
Ces derniers devront donc recourir temporairement aux services de l’Etat au niveau départemental, « au plus tard au 31 décembre 2023 ».
« Nous espérons atteindre 60% d’assurés en grandes cultures et viticulture d’ici 2030 (contre 30% aujourd’hui) et 30% en prairies et arboriculture » (moins de 4%), indique Joël Limouzin, soulignant que « plus il y aura de personnes qui adhèrent, plus les prix sont petits. »
L’inquiétude existe déjà chez les éleveurs, qui contestent la méthode d’évaluation (par satellite) des dommages à la prairie, synonyme de pertes fourragères.
En grandes cultures ou en viticulture, la plupart des agriculteurs contactés s’inquiètent des prix et disent ne pas encore disposer d’assez d’informations pour faire un choix.
Dans le Gard, Jean-Luc Lapeyre, qui a perdu 50 % de son vignoble en 2022 et qui n’est pas assuré, estime que « l’assurance devrait être obligatoire pour vraiment baisser les primes ». Pour l’instant, il n’est « pas convaincu ».
Les assureurs eux-mêmes ont attendu les arbitrages finaux sur la réforme avant de lancer de vastes campagnes d’information.