Il est impossible de prévoir des conditions météorologiques extrêmes dans plusieurs mois. Mais on sait depuis longtemps que des événements comme celui qui a touché la France à l’été 2022 voient leur fréquence et leur intensité augmenter en raison du réchauffement climatique.
« Qui aurait pu prévoir (…) une crise climatique aux conséquences extraordinaires encore cet été dans notre pays ? », a demandé Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français, au 31 décembre. Le verdict, qui est presque unanimement considéré comme non consensuel, a suscité de nombreuses réactions de colère de la part des climatologues. Et pour cause, même s’il faut analyser pourquoi…
« Qui aurait pu prédire (…) une crise climatique aux conséquences extraordinaires encore cet été dans notre pays ? », a-t-il demandé à Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français le 31 décembre. Ce verdict, qui est considéré à la quasi-unanimité comme un non-consensus, a suscité beaucoup de commentaires furieux de la part des climatologues, et pour cause, quitte à vérifier la raison.
Croyez le chef de l’Etat au mot : il y a deux manières de lire ce passage de son allocution présidentielle, selon le temps qu’on y consacrera. Au fil du temps, de l’ordre des décennies, le changement climatique domine.
En revanche, à court terme, c’est le risque climatique qui domine. Il est donc très difficile de prévoir un événement météorologique précis quelques mois ou même quelques semaines avant qu’il ne se produise. Ce fut par exemple le cas des trois canicules qu’a connues la France mi-juin, mi-juillet et début août 2022.
Des événements prévisibles, à une date imprévisible
Ces vagues de chaleur ont aggravé la sécheresse dans la région, mais cette sécheresse était là avant. Elle touche même le pays depuis le début de 2022, faute de pluies hivernales, et s’est largement propagée.
La canicule a aggravé la sécheresse dans la région, mais cette sécheresse était là avant. Elle touche même le pays depuis début 2022
Surtout, cela augmentait le risque de vagues de chaleur. Il y a certes un chevauchement entre sécheresses et vagues de chaleur, même s’il est difficile à prévoir à court terme.
« On sait que si on part d’un terrain très sec en début d’été et que certaines conditions anticycloniques apparaissent, cela peut conduire à des températures extrêmes », explique le météorologue Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon. Laplace et son co-auteur. Le dernier rapport du GIEC. « Mais ce n’est pas organisé, et ces conditions anticycloniques sont difficiles à prévoir à plus de deux semaines », poursuit-il.
« La sécheresse favorise les canicules comme l’été 2022, complète Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de recherche sur le climat (CNRS-Météo France). S’il y a moins d’eau dans le sol, les chances de voir une vague de chaleur semblent augmenter, et, d’autre part, si l’humidité du sol est élevée, cela réduit l’apparition de chaleur extrême. »
La sécheresse de 2022 a accru le risque de vagues de chaleur durant l’été, mais sans le rendre inévitable. Cela dit, l’important est ailleurs. S’il n’était pas possible de prédire que ces « effets spectaculaires » de la crise climatique affecteront notamment la France à l’été 2022, on sait que la France est déjà touchée c’est le réchauffement climatique. Et il est également prouvé que ce réchauffement climatique rend ces « effets bizarres » plus fréquents et plus intenses.
« Le risque de canicule augmente avec le réchauffement climatique en Europe occidentale comme en Europe centrale, et le risque de sécheresse augmente en région méditerranéenne », rappelle Robert Vautard.
Les faits scientifiques sont très détaillés dans le dernier rapport du GIEC, et dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte n’a pas manqué de rappeler, en réponse à Emmanuel Macron.
« Qui aurait pu prédire une catastrophe climatique aux conséquences aussi dramatiques encore cet été en France ? » https://t.co/9iZHUK2xrQ
Les rapports précédents du GIEC ont cité des risques similaires en ce qui concerne l’Europe. Les rapports 2021 et 2022 du Conseil supérieur du changement climatique rappellent que « les deux tiers de la population française sont désormais très ou très vulnérables au changement climatique » et détaillent leurs effets sur la santé des personnes, la production agricole et les bâtiments.
Colère due aux catastrophes plus précisément dans le 6e rapport du #GIEC
3/ https://t.co/QHbeWdKT4M
Le risque climatique est chiffré
La synthèse des décideurs dans le sixième rapport du GIEC, publié mi-2021, met également en évidence l’augmentation du risque de canicule et de sécheresse agricole. Concernant le premier, un événement qui se produisait tous les dix ans avant le réchauffement climatique se produit maintenant environ tous les trois ans, et peu après quelques années et deux de plus. Alors que l’événement qui se produisait tous les cinquante ans se produit maintenant tous les dix ans, c’est-à-dire deux périodes de cinq ans.
« Dire qu’en 2022 on ne savait pas, c’est une fausse nouvelle », déclare sur franceinfo la géographe Magali Reghezza-Zitt, membre du Conseil supérieur du climat. Les médias ont également fait réagir le météorologue Jean Jouzel aux propos d’Emmanuel Macron : « J’aurais parié que, durant son mandat, il y aurait au moins une année d’événements extrêmes. Incroyable c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’année telle que 2022. »
Personne ne demande au chef de l’Etat de « prédire » la date de la prochaine canicule. Le problème est de se préparer aux catastrophes qui frapperont sûrement la France
Des travaux scientifiques publiés avant l’été 2022 mesurent même cette augmentation du risque climatique en France. Par exemple, Aurélien Ribes et Robert Vautard ont mené une autre étude montrant que le risque de forte canicule à l’été 2019 a aujourd’hui augmenté d’au moins 10 par rapport à la période de pré-chauffage, et qu’il sera élargi d’au moins 20 d’ici 2040.
Or pour la France, l’augmentation du risque climatique était connue et limitée avant 2022. Dans son bilan climat pour 2022, Météo France a également estimé que la canicule de juin 2022, unique dans sa première saison, « aurait été dix fois moins susceptible de se produire dans un climat non chaud. » Un tel événement se serait produit une fois tous les deux ans et 200 autres mais maintenant il se produit une fois tous les 20 ans, et une fois tous les 10 ans en 2040.
Aurélien Ribes ajoute : « Les canicules observées cette année en juillet et août, un peu tôt, avaient plus de chance. » Et il a poursuivi : « Donc, ce que nous avons vu cette année n’est pas surprenant, car le climat se réchauffe déjà. Les événements de 2022 sont en ligne avec le climat qui a été décrit depuis longtemps. Et je ne serai pas surpris si nous pouvons des événements plus graves dans les années à venir qu’en 2022.
Dans une étude publiée en octobre 2022, le chercheur a même estimé que, si les tendances actuelles de production de carbone se poursuivent, le réchauffement en France pourrait être plus de 50 % plus fort d’ici 2100.