Recherche Près d’une centaine de conseillers ministériels ont rejoint le secteur privé depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Une pratique judiciaire, qui alimente pourtant les soupçons de conflits d’intérêts.
Du public au privé, il n’y a parfois qu’un pas. Que de grands patrons du premier quinquennat d’Emmanuel Macron se sont croisés ces derniers mois, rejoignant grandes entreprises, cabinets de conseil ou lobbies industriels.
Les remaniements gouvernementaux qui ont suivi la réélection du président ont conduit plus de 15 % du personnel ministériel à rejoindre le secteur privé. Au total, au moins 91 d’entre eux y déménagent aujourd’hui, selon un décompte Le Monde incluant les 602 conseillers en poste en janvier 2022. La plupart de ces déménagements sont qualifiés de « pantouflages » car ils concernent des salariés de carrière publique.
De précieux lobbyistes
Parfaitement légal, le pantouflage des fonctionnaires soulève pourtant des débats éthiques récurrents dans un scénario de suspicion de conflits d’intérêts. Un tel administrateur a-t-il été engagé par cette société moyennant une décision favorable prise dans l’exercice de ses fonctions ? Un ancien employé devenu privé utilisera-t-il son agenda pour s’attirer les faveurs du gouvernement ?
Chez les intéressés, la question dérange. « On est diabolisé, mais la vie au cabinet dure peu de temps : c’est normal de pouvoir faire carrière ailleurs », plaide un ancien conseiller chez Babouche, sous couvert d’anonymat. Comme elle, beaucoup revendiquent la capacité de séparer strictement les intérêts publics et privés. « Ce que je fais aujourd’hui n’a rien à voir avec mes tâches de bureau », dit-elle. C’est ce que peuvent remettre en cause certains anciens réalisateurs, recrutés justement en raison de leur agenda et de leur influence, réelle ou supposée.
Ainsi, ces derniers mois, les lobbies des producteurs de pesticides, des brasseurs, des soft drinks, des producteurs de céréales et des transports en commun se sont retirés des cabinets ministériels de Macron pour renouveler leurs effectifs. Cependant, la mission prioritaire de ces organismes est d’influencer les décideurs publics dans le sens de leurs intérêts. Et ils se fâchent contre ces profils expérimentés dans le fonctionnement des ministères.
Les 91 conseillers ministériels reconvertis dans le privé
Organisations privées à but non lucratif
Décompte mondial basé sur 602 salariés travaillant dans un cabinet ministériel en janvier 2022.
Situations kafkaïennes
Chacun de ces chaussons a été vérifié par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Après avoir vérifié que ces anciens administrateurs n’avaient pas pris de décision par le passé concernant leur futur employeur, l’institution, chargée de veiller à la probité des fonctionnaires, a donné son feu vert. Cependant, elle les a exhortés à s’abstenir de faire pression sur leurs anciens collègues du gouvernement pendant trois ans, pour éviter les conflits d’intérêts.
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