Le gouvernement vient d’entamer une soi-disant concertation avec les syndicats dans le but affiché d’introduire une augmentation progressive de l’âge légal de la retraite de 62 à 65 ans d’ici 2031. Il envisage de voter une loi l’hiver prochain et de la mettre en œuvre à l’été de 2023.
Le gouvernement suit pas à pas la feuille de route patronale. Le président du Medef, Roux de Bézieux, a ainsi déclaré au journal Les Echos : « J’avais dit qu’il fallait d’abord réformer l’assurance-chômage et ensuite réformer les retraites. C’est certainement ce que nous faisons, et j’en suis heureux. »
La bourgeoisie vit de l’exploitation du travail et tente par tous les moyens d’imposer à la fois un allongement du temps de travail et une baisse des salaires. Elle le fait au quotidien, mais aussi à l’échelle de la vie des travailleurs, en imposant un report de l’âge de la retraite et l’amputation des retraites, qui ne sont pourtant pas financées par les profits, mais par les cotisations des salariés. Les parasites des entreprises croient que tous les moyens sont bons pour priver les travailleurs âgés des droits qu’ils ont encore.
Seuls 33% des salariés de plus de 60 ans travaillent encore car les employeurs s’en débarrassent beaucoup plus tôt. Ceux qui sont à la porte de plus de 55 ans ont jusqu’à présent les maigres ressources pour obtenir 36 mois d’allocations de chômage.
C’est la durée de cette indemnité que Roux de Bézieux souhaite réduire, car, selon lui, elle constitue : « une incitation pour les entreprises comme pour les salariés à convenir d’une rupture amiable. On voit un pic de ruptures à 59 ans, ce n’est pas un hasard. »
Une telle mesure n’obligera aucun patron à garder un travailleur qu’il n’estime plus assez productif, mais ce dernier sera alors privé d’allocations chômage et de retraite pour les années suivantes.
Lorsque le premier système de retraite voit le jour en 1910, la CGT dénonce « la retraite des morts ». Les patrons veulent revenir. Actuellement, selon les statistiques officielles, l’espérance de vie pour un travailleur né entre 1972 et 1984 est de 70,7 ans et pour un salarié de 72,2 ans. Et l’espérance de vie moyenne d’un salarié en bonne santé, sans problème sensoriel et physique, est de 59 ans, soit dix ans de moins que pour un top manager.
Ayant ainsi usé les muscles, les nerfs et les artères des ouvriers, les patrons veulent encore abréger les maigres années de repos auxquelles ils ont contribué. Alors qu’ils se disent « vent contraires » à la retraite à 65 ans, les délégués syndicaux se sont précipités pour… s’asseoir aux tables de concertation organisées par le gouvernement pour les trois prochains mois. Philippe Martinez, pour la CGT, espère une « véritable volonté d’écoute » et entend présenter ses « suggestions ». Laurent Berger, pour la CFDT, a approuvé « un changement de méthode » du gouvernement. On y voit surtout la neutralisation prononcée des dirigeants syndicaux invités à soutenir la mise en scène lasse d’une prétendue consultation.
Le patronat et les autorités déploient leur plan d’attaques contre la vie professionnelle. Les dirigeants syndicaux n’ont pas de plan de riposte, pas de plan de mobilisation. Mais si l’attitude des bureaucraties syndicales est prévisible, la réaction des ouvriers l’est moins, et la crainte des patrons et du gouvernement est que, conjuguée à l’insatisfaction salariale, cette nouvelle réforme provoque une réaction des ouvriers.
Éric Woerth, l’un des artisans du passage de 60 à 62 ans en 2012, encourage à sa manière le gouvernement : « C’est comme sauter en parachute, à un moment donné, il faut se lancer. La plupart du temps ça se passe bien. Espérons que la vie professionnelle en décide autrement.