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La 18ème édition du REGAL aura lieu du 8 au 11 décembre 2022 au MEETT, le nouveau parc des expositions de Toulouse Métropole. A cette occasion, Denis Carretier, président de la Cahmbre d’agriculture d’Occitanie, a répondu à nos questions.
De nombreux métiers semblent avoir du mal à recruter en France, alors que de plus en plus de jeunes et de reconvertis souhaitent travailler dans l’agriculture. Qu’est-ce qui t’inspire?
On a de plus en plus de jeunes qui veulent entrer dans le métier, c’est vrai. Et massivement. On a des gens expérimentés qui veulent aussi revenir sur terre, considérant peut-être après Covid que c’est un travail tranquille. Mais bon, on est cool tant qu’il n’y a pas de problème économique ou climatique. Ce n’est en fait pas si calme. La difficulté est de savoir comment organiser les mutations immobilières ? Il nous manque un outil.
Et les terres agricoles créées par la Région pour faciliter les transferts ?
C’est une bonne idée ; c’est un bon sentiment. Mais c’est epsilon par rapport aux besoins, compte tenu de la pyramide des âges. 39% des agriculteurs ont aujourd’hui plus de 55 ans. Alors oui, nous sommes la région avec le plus d’installations. Mais nous avons presque un agriculteur sur deux qui prendra sa retraite d’ici 10 ans. Pendant des années, c’est l’augmentation des terres agricoles qui a compensé la perte de retraités. Mais aujourd’hui, en temps de crise, les agriculteurs ne veulent plus de grandes surfaces. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui viennent d’autres endroits pour créer de nouvelles fermes. Pour eux, le sol est un obstacle.
La perspective de travailler dans une agriculture bas carbone fait-elle partie des motivations des nouveaux investisseurs ?
La fierté en général c’est l’aménagement paysager, nourrir les gens, surtout les agriculteurs qui ont fait un gros effort ces dix dernières années pour réduire de 40% la consommation d’antibiotiques. Mais le salaire n’est pas la première motivation pour exercer ce métier. Le prix au kg, avec tout le travail fait avec la vente directe, n’est pas toujours ce que l’on pense. L’agriculture est un métier plein de passion. L’économie, les contraintes de la météo en font un métier aussi compliqué que les autres, qui peut parfois être déroutant, surtout au sortir d’un été aussi sec et de récoltes en baisse.
Vous voulez dire que les efforts ne sont pas récompensés ?
Au moins peut-on dire, 40% d’antibiotiques en moins dans l’élevage, 20% de pesticides en moins pendant 3 ans pour les cultures… Ces efforts importants devraient être récompensés. Sinon c’est décourageant. Parce que moins de phyto, c’est plus de travail. En prime, si vous utilisez moins de désherbant, vous utiliserez deux fois plus de GNR que vous passerez cinq fois le tracteur pour gratter le sol. Votre empreinte carbone est donc négative car vous polluez l’environnement en consommant du diesel hors route. A ce rythme, nous aurons demain des données comptables, dont une sur l’empreinte carbone. Et puis la responsabilité sociale et environnementale. Là vous pourrez comparer les fermes et vous verrez que la plus vertueuse n’est pas celle que vous pensez. Cela faussera à nouveau la perception de l’agriculture. À mon avis, dans les 3 prochaines années, nous serons dans ce débat. L’agriculture sans carbone c’est très bien, mais les rendements ne sont pas les mêmes avec et sans phyto qu’avec ou sans eau d’irrigation. La population augmente et nous aurons toujours besoin de manger. Nous importons ou produisons, pas de secret.
Vous parlez de rendements inférieurs sans eau d’irrigation. Comment se portent les exploitations après un été historiquement sec ?
Economiquement, les fermes sont plus basses que le niveau du réservoir. Les agriculteurs sont dans la pire situation en raison de l’augmentation des coûts, notamment de la main-d’œuvre et de l’énergie. De plus, les ressources en eau se font rares, alors qu’en janvier dernier, lors de la crue, des milliers de m3/s ont été déversés à la mer sans s’arrêter. Je vous rappelle que de février 2022 à aujourd’hui, un quart de goutte d’eau normale a dû tomber sur la région toulousaine. Ce sera un problème par rapport à toutes les exigences imposées aux agriculteurs.
Parlez-vous de la nécessité de réduire les entrées ?
Pas seulement. On parle d’agroécologie, de faire trois cultures en deux ans pour capter le carbone, ou de semer des CIPAN pour décarboner l’agriculture, mais comment y arriver quand l’eau ne se retire pas ? C’est impossible.
Nous avons rencontré un obtenteur de semences qui se porte très bien dans le Tarn. Il le fait, et il n’est pas le seul.
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Vous parlez d’un agriculteur irrigué qui a accès à l’eau. On compte environ 6 000 agriculteurs sur 58 000 en Occitanie. Disons 10 %. Mais 90% n’ont pas accès à l’eau et s’assèchent dans la région. La plupart se retrouvent dans une situation de confusion, avec le sentiment d’être cernés par la vox populi, comme si c’était toujours la faute de l’agriculture ?
Ne pas demander de déductions collinaires. Mais nous voulons d’abord stocker de l’eau pour la consommation humaine, puis pour l’industrie – pas seulement pour l’agriculture – et troisièmement, pour l’environnement. Actuellement, des centaines de municipalités n’ont pas accès à l’eau potable. Tout ça parce qu’il n’y a pas de limites. Vous avez de toute façon les niveaux d’eau souterraine les plus bas parce que les environnements ne sont pas rechargés. Par conséquent, nous lançons un appel solennel pour la reprise du projet du barrage de Charlas, qui est prévu à 110 millions de m3. On dit à tout le monde que vous voulez qu’on fasse de l’agroécologie, pas de problème. Mais pour cela, nous avons besoin d’eau. L’année 2022 annonce le réchauffement climatique. Si nous ne prenons pas dès maintenant des décisions stratégiques, nous risquons de mettre en péril des cultures et des territoires qui n’ont actuellement pas accès à l’eau, soit 90% de la région Occitanie où la plupart des agriculteurs n’ont pas d’ouvrages d’irrigation et donc de ferme sèche, je le répète.
Qu’est-ce qui a bloqué le projet Charlas, abandonné en 2007 ?
Je ne sais pas. Tout est politique. Il faut prendre l’exemple de l’ancien Languedoc-Roussillon, où l’on trouve plusieurs plans d’eau très importants où le climat était plus bas que dans l’ancien Midi-Pyrénées. Prenez le lac du Salagou dans l’Hérault qui est exemplaire. Elle a été financée à 100 % en 1964-1965 par le ministère de l’Agriculture, bien avant la création des agences de l’eau. Ce lac est la preuve que les craintes concernant le projet Charlas n’étaient pas fondées. Aujourd’hui, nous voulons quantifier les déductions et savoir ce que nous pouvons faire pour les combiner et les optimiser.