La maison de champagne Ruinart a demandé à l’artiste emblématique de l’avant-garde des années 1960 de concevoir une œuvre sur place, une palissade qui dissimule l’œuvre de son siège.
Une collaboration entre Claude Viallat et la Maison Ruinart, l’alliance peut surprendre. Que peut se dire le vieux vétéran de Support(s)/Surface(s), mouvement artistique marxiste à tendance maoïste et l’un des fleurons du groupe Moët Hennessy ? L’artiste nîmois avoue également ne pas connaître le monde des spiritueux et préférer l’eau à l’alcool. De son côté, Ruinart avait auparavant recruté de jeunes créateurs, majoritairement étrangers, pour ses projets artistiques. « Mais les noms historiques sont aussi intéressants pour nous », précise Fabien Vallerian, directeur artistique de la marque.
Lorsque la maison de champagne entame la construction d’un nouveau bâtiment à Reims à l’emplacement d’une crayère récemment découverte qu’il fallait stabiliser, le nom Viallat se fait un nom. Vallerian se souvient avoir été impressionné par l’un de ses très grands formats, exposé à la Foire de Bâle en 2018.
Un drap usagé en guise de toile
S’il lui parle à l’été 2021, l’artiste n’a pas besoin qu’on le lui demande. Plus de cinquante ans après la brève existence du mouvement, qui rassemblait une douzaine de créateurs effervescents désireux de libérer la peinture du cadre et de la sentimentalité, les discours théoriques et les idéologies ont fait long feu. Vialat a 86 ans. Aujourd’hui célébrée jusqu’en Amérique, où Support(s)/Surface(s) connaît une seconde jeunesse, elle n’a plus besoin de se battre.
Avec une joie apparente, il donne à Ruinart sa signature caractéristique depuis 1966, l’impression à intervalles réguliers d’une forme simple qui, selon l’humeur, rappelle le haricot ou les osselets auditifs. L’artiste imagine d’abord trois variantes pour les « Second Skins », les étuis particuliers des magnums de la marque. Mais c’est la bâche de 140 mètres tendue mi-juin pour cacher le travail qu’elle impose.
Comme toujours, Viallat réduit la peinture à sa définition première, une technique de production comme une autre, dénuée de tout prestige. Comme toujours, il utilise également une feuille usagée avec des salissures visibles. La toile est réduite au statut de linge de maison, et le contraste entre les couleurs fanées du support usé et les pigments clairs de sa peinture est saisissant. Celles-ci reprennent le nuancier Ruinart, le vert de la bouteille, mais aussi certains arômes, le rose du champagne rosé. Après avoir peint la tôle de 2m x 2m en un peu moins d’une heure, Viallat la confie à Ruinart qui l’adapte à une toile enduite pour résister aux intempéries.
Si la bâche est accrochée pendant les travaux, qui devraient durer deux ans et demi, une destruction ultérieure est hors de question. « On a envie de lui donner une seconde vie », confie Fabien Vallerian, qui réfléchit à des petites éditions ou des sacs avec l’artiste. La toile d’origine restera dans les collections de la Maison de Champagne, comme le souvenir d’une commande de totem inédite dans l’histoire de l’art français.
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